mardi 23 avril 2024

Les 7 Rois des Hellènes (1832-1974)

1820-1830 1e République

Les Grecs du sud (depuis le Péloponnèse) acquièrent leur indépendance. Ils n'ont pas encore toutes les îles, la Crète ou le Nord. ils dépendent de leurs alliés Anglais, Russes et Français. Le consensus va finalement aller vers une monarchie parlementaire et les Britanniques (qui avaient déjà choisi le Roi de Belgique Léopold I de Saxe-Coburg en 1830) choisissent Othon de Wittelsbach, du Royaume de Bavière. 

Othon Premier Roi des Hellènes 1832-1862 Othon reste catholique romain et ne réussit pas à convaincre les Grecs qu'il peut vraiment faire l'unité et récupérer les autres territoires hellénophones. Il est renversé après 30 ans de règne et part en exil. On réunit une assemblée qui décide de seulement changer de dynastie. La Reine Victoria refuse la demande grecque que ce soit Alfred, un de ses fils, et les Britanniques choisissent un prince danois, Guillaume de Scheswig-Holstein-Glücksburg qui sera Roi des Hellènes sous le nom de Georges

Georges Ier Deuxième Roi 1863-1913 Il a un très long règne et après bien des échecs dans la guerre contre les Ottomans, réussit une expansion. Il est luthérien mais accepte que ses enfants devienne orthodoxes. Il est assassiné par un socialiste. 

Constantin Ier Troisième Roi 1913-1917 / 1920-1922 Constantin choisit en 1914 que la Grèce restera neutre et les Britanniques décident donc avec le Premier Ministre Vénizelos de le renverser et de mettre sur le trône non pas son fils aîné Georges (jugé lui aussi trop pro-allemand) mais le deuxième fils Alexandre. 

Alexandre Quatrième Roi 1917-1920 Il est soumis au Parlement pro-britannique et il avait fait scandale en faisant un mariage d'amour avec une roturière grecque (la seule Grecque de toute la famille royale). Mais il meurt tué par une morsure de singe (!) et n'a pas d'héritier. 

Son père Constantin Ier revient donc d'exil pour reprendre le trône. 

Georges II Cinquième Roi, 1922-1923, premier fils de Constantin. Georges participe à une tentative de coup d'Etat qui échoue et qui le discrédite. Georges II et la famille royale sont donc exilés une seconde fois après un référendum de 1923 où la République l'emporte à 70%. [Le frère de Constantin Ier, parti en exil à ce moment-là, est le père du Prince Philippe (1921-2021) et donc le grand père de l'actuel Roi du Royaume-Uni Charles III.]

IIe République Hellénique (1923-1935) 

La Deuxième République ne dure que 12 ans et sera instable. Un 2e référendum a lieu sans scrutin secret (un bulletin bleu pour le Roi, rouge pour la République) et dans un climat d'intimidation. Le "vote" bleu donne "en théorie" 98% en faveur de la restauration de la Monarchie, ce qui prouve que les Royalistes ne savaient pas tricher très intelligemment... 

Georges II Cinquième Roi, 1935-1947 revient donc. Il est Roi quand le Général Metaxas, chef de l'extrême droite (né à Ithaque) arrive au pouvoir l'année suivante et va créer un régime traditionaliste corporatiste inspiré de Franco ou Salazar (le metaxisme) en 1936-1940. Mais Metaxas refuse de s'allier à l'Axe et de se soumettre à Mussolini (ce que les Grecs célèbrent comme "le Jour du Non") et Georges II part en exil pendant la Seconde Guerre mondiale quand les Allemands occupent le pays. Georges II revient après la Libération, pendant la sanglante guerre civile entre communistes, socialistes anti-communistes et monarchistes. Il meurt sans héritier. 

Paul Sixième Roi 1947-1964, troisième fils de Constantin, frère de Georges II et d'Alexandre. Les tensions subsistent entre la droite dirigée par Constantin Karamanlis et le centre-gauche républicain dirigé par Georgios Papandréou. 

Constantin II Septième et dernier Roi, 1964-1973, fils de Paul. Trois ans après son arrivée au pouvoir, la junte de trois Colonels renverse la démocratie en 1967, en partie contre Papandréou (on ignore à quel point le Roi était au début d'accord avec cette Junte - l'opinion majoritaire était que le Roi Constantin devait au début l'entériner, ce qui va le discréditer). Quelques mois après en tout cas, Constantin II tente un contre-coup d'Etat avec une partie de l'Armée contre les Colonels mais il échoue et il doit repartir en exil. La Junte organise un référendum cinq ans plus tard abolissant la Monarchie (80% pour la République) mais la dictature des Colonels tombe l'année suivante en 1974 quand la Turquie envahit la Chypre du Nord. Le référendum est donc refait sous des conditions plus démocratiques, mais toujours avec 70% pour la République (il n'y a guère que dans le Péloponnèse que les monarchistes étaient majoritaires). 

IIIe République (1974- )

Cela fait à présent 50 ans que la République a été restaurée. La famille royale exilée au Royaume-Uni et en Espagne a obtenu le droit de revenir vivre en Grèce mais l'ex-Roi Constantin II est mort en 2023. 

Les Premiers Ministres de la IIIe République

1974-1981 Nouvelle Démocratie (Constantin Karamanlis, 1907-1998)

1981-1989 PASOK d'Andreas Papandreou (1919-1996, fils de Georgios Papandreou, dirigeant historique du centre-gauche anti-monarchiste et plusieurs fois Premier ministre avant le coup d'Etat). 

1990-1993 Nouvelle Démocratie (Constantin Mitsotakis)

1993-2004 PASOK d'Andreas Papandreou puis Constantin Simitis

2004-2009 Nouvelle Démocratie (Constantin Karamanlis, neveu et homonyme du précédent)

2009-2011 PASOK de Giorgios Papandreou (fils d'Andreas et petit-fils de Georgios)

2011-2015 Gouvernements de Coalition Nationale (ND-PASOK)

2015-2019 SYRIZA d'Alexis Tsipras

2019-  Nouvelle Démocratie de Kyriakos Mitsotakis, fils de Constantin Mitsotakis. 

Depuis 50 ans, la Nea Demokratia a gouverné seule 20 ans et le PASOK seul 21 ans (sauf pendant la période 2011-2015 d'Union et la période 2015-2019 de Syriza). 

Aux élections de mai 2023, la ND a eu 41% des voix, Syriza 20%, le PASOK 11,5%, le KKE (Communistes) 7% et l'extrême droite 4,5%. 

On peut comparer avec les alternances au Portugal depuis la Révolution des Oeillets

lundi 22 avril 2024

Joyeux Tricentenaire, Emmanuel

Kant (1724-1804) fête ses 300 ans. 

Voici un poème de Schopenhauer (repris dans ses Parerga et Paralipomena, 1851) dédié à son héros (où on comprend d'ailleurs pourquoi malgré son culte, il a abandonné l'écriture du poème). 

An Kant 

Ich sah Dir nach in Deinen blauen Himmel, 
Im blauen Himmel dort verschwand Dein Flug. 
Ich blieb allein zurück in dem Gewimmel, 
Zum Troste mir Dein Wort, zum Trost Dein Buch. 

Da such' ich mir die Öde zu beleben 
Durch Deiner Worte geisterfüllten Klang: 
Sie sind mir alle fremd, die mich umgeben, 
Die Welt ist öde und das Leben lang.

Je t'ai vu dans ton ciel bleu
Dans ce ciel bleu finit ton vol
Je suis resté dans la foule, seul, 
Ta parole et ton livre comme réconfort

J'essaye d'animer le vide
Par le son spirituel de ta parole
Ils me sont tous étrangers, ceux qui m'entourent, 
Le monde est vide et la vie est longue

dimanche 21 avril 2024

[Ombres de Dune] Quelques éléments de l'univers de Fading Suns

Nous sommes au début du LIe siècle. Fading Suns est un univers de SF qui mélange atmosphère médiévale (féodalisme, poids de l'Eglise) et l'exploration spatiale. Une différence importante avec Dune est la présence de plusieurs espèces non-humaines (sur ce point, cela peut plus faire penser à Hyperion). Certaines sont plus ou moins dominées par les Humains mais certaines ont des Empires extérieurs (les Vau - ou "Vao" dans la VF de feue Anne Vétillard et alii - ou les Symbiotes). L'Eglise est parfois plus inspirée par l'Orthodoxie orientale que par le Catholicisme latin. 


La 1e édition (principalement créée par Bill Bridges) fut de 1996. Par coïncidence, dans la sf française, Jean-Claude Dunyach avait sorti son roman Etoiles Mortes en 1991 et sa suite avec Ayerdhal Etoiles Mourantes en 1999. L'édition actuelle est la 4e. 

Chronologie

-40 000 Un espèce extraterrestre inconnue qu'on appelle les Ur ou Annunaki bâtissent les Portes de Saut entre les planètes. Ils vont disparaître en laissant deux espèces de serviteurs humanoïdes, les Ur-Obun et les Ur-Ukar. Les premiers (qu'on trouve surtout sur leur monde Velisamil) ont une civilisation mystique et religieuse, les seconds (exilés surtout sur Kordeth) sont des guerriers albinos et assassins dotés de psychomancie. 

24e siècle : La Première République humaine découvre les Portes de Saut et réussit à les réactiver. Elle ne va pas résister à cette expansion et ce sera la période de Diaspora (26e-36e siècles) où les Maisons locales font sécession. 

28e-29e siècle : Les colons humains massacrent le peuple inhumain des Shantor sur leur monde Shaprut. Naissance du nouveau Prophète Zebulon [Zacharie dans l'ancienne traduction] et de l'Eglise Universelle du Soleil Céleste qui réunifie les mondes humains et mène la guerre contre les Ukari. Un Ur-Obun devient un des Apôtres du nouveau Prophète et certains Obuns se convertissent à l'Eglise Universelle. 

35e siècle : La Seconde République prend pour capitale Yeni İstanbul, seul système à avoir 9 Portes de Saut et qui devient donc le carrefour. 

41e siècle : On commence à observer le phénomène des Etoiles Mourantes qui déclenchent des croyances millénaristes et des réactions de terreur de l'Eglise. Crise économique et déclin technologique. Des clans humains (les Vuldroks) dévastent les mondes (notamment près des mondes Hawkwood). La Seconde République s'écroule et à nouveau les Maisons nobles deviennent autonomes. 

46e siècle : Vladimir de la Maison Alecto crée l'Empire avec le soutien de l'Eglise à Byzantium Secundum (ex-New Istanbul). Sa Maison décline et ses successeurs sont choisis par les Cinq Maisons Royales, l'Eglise (elle-même divisée en plusieurs courants et ordres comme l'Inquisition) et la Ligue marchande. 

50e siècle : Guerres pour le contrôle du Trône du Phénix entre les Maisons et invasion des Symbiotes. L'Eglise autorise certains pouvoirs psi tant qu'ils sont sous son contrôle. Alexius de la Maison Hawkwood l'emporte, devient Empereur et officiellement n'appartient plus à sa propre Maison. Il crée un ordre de Chevaliers Errants (Questing Knights). 

51e siècle : Alexius épouse une princesse d'Hargard, d'un clan des Vuldroks et l'espoir renaît avec une héritière nommée Aurora qui serait selon certains celle qui "ravivra" la lumière des Etoiles. 

Les Cinq Maisons principales
(Cliquez pour agrandir)

Cette carte ne couvre qu'une partie des mondes explorés et il en existe en fait d'autres avec des Portes à découvrir. 


Al-Malik : Marchands et érudits sybarites. Ils contrôlent notamment Criticorum, un des carrefours de 7 Portes, Istakhr (capitale désertique), Aylon, Shaprut (dans la carte bidimensionnelle du réseau des Portes, c'est plutôt "l'ouest"). C'est l'Empire qui garde la frontière occidentale contre les Aliens parasites, les Symbiotes

Decados : Ok, c'est les Harkonnen et ils ont des noms un peu slaves (ils prétendent descendre des Tsars Romanov, ils sont plus en compétition avec Al-Malik qu'avec les Hawkwood). Ils contrôlent Severus, Cadiz, Malignatius, Pandemonium, Cadavus (donc le "sud-ouest" de la carte mais leurs systèmes ne sont pas tous continus, Pandemonium est loin au "sud-est" au contraire). Au sud se trouve l'espèce mystérieuse des Vau

Hawkwood : Je les voyais juste comme les Atréides mais j'ai depuis compris qu'ils sont aussi censés être les Pendragon (on insiste sur le fait qu'ils descendraient de la famille royale britannique). Ils contrôlent Delphi, Ravenna, Gwynneth, Leminkainen (le "nord", près des clans de pillards Vuldroks). 

Hazat : Ils contrôlent Aragon, Sutek, Vera Cruz, Hira (qu'ils disputent au Califat Kurgan, à "l'est")). 

Li-Halan : Les plus proches de l'Eglise (ce qui en ferait l'équivalent des Wallach dans Dune). Ils contrôlent Kish, Midian, Icon, Ungavorox (monde de l'espèce ET des Vorox, des felins à quatre bras) et Rampart (le "sud-est"). 

Je ne vois pas de Maison qui serait hyper-technophile et anti-religieuse (comme les Richese). Dans les Maisons mineures, on mentionne les Shelits de Hira qui aiment les robots ou les Ramakrishna de Hargard qui ont une foi différente. 

Pourquoi les étoiles déclinent-elles ? 

1 Des Démons des Ténèbres ou des pouvoirs Psi, comme le dit l'Eglise ?
2 A cause de l'usage des Portes de Saut
3 Non, en fait au contraire à cause des instruments imposés par l'Eglise aux Portes de Saut pour empêcher les expériences sensorielles Sathra. 
4 A cause des Annunakis qui sont toujours là, dans les Portes et qui bloquent peu à peu les mondes pour sceller leurs concurrents ?

Bill Bridges semble refuser de répondre à la question et c'est donc à chaque MJ ou campagne d'en décider comme il n'y a pas d'explication officielle. 

vendredi 19 avril 2024

Daniel Dennett (1942-2024)


Daniel Dennett fut l'un des plus importants philosophes analytiques en philosophie de la psychologie et de la biologie. Il défendait pour l'esprit une forme assez radicale de matérialisme qu'on appelait parfois l'instrumentalisme et pour la biologie une défense d'un "naturalisme" darwinien. 

Contenu et Conscience

Commençons par l'esprit, quoi que cela veuille dire. Toute la philosophie moderne depuis Descartes pose une question simple : si on admet qu'un seul neurone ne pense pas et qu'un neurone de plus ne fait pas une différence, comment peut-on dire que "n" neurones (y compris nos 80 milliards de neurones) "pensent" ou sont conscients de quoi que ce soit ? Combien faut-il de courants dans les synapses pour qu'il y ait un "MOI" ? A quel niveau de complexité émerge l'intelligence à partir d'interactions stupides ? 

Ou pour le dire autrement (selon l'image de Ned Block), si on imaginait 80 milliards d'ampoules suivant exactement le même mouvement des échanges électriques ou chimiques de nos 80 milliards de neurones, on aurait du mal à dire que cette vaste guirlande d'ampoules "pense". On peut admettre qu'un microprocesseur que nous avons programmé intentionnellement peut accomplir des fonctions qui représentent donc un contenu que nous pensons mais il est plus difficile d'imaginer comment le cerveau qui n'a été "programmé" que par des mutations et la sélection naturelle ou les interactions avec son environnement dans son expérience peut arriver à une pensée originelle. 

La solution de Dennett était parfois plus originale dans sa manière imaginative de la présenter que dans ses conclusions. Nos assemblées de neurones ne pensent pas et pourtant ils ont assez évolué en interaction avec l'environnement pour qu'on ait l'impression qu'ils sont des instruments adéquats pour arriver à des contenus mentaux (ce à quoi on pense) et à une conscience subjective (ce que cela nous fait de penser ainsi de notre point de vue). De même que nous projetons des intentions, des désirs et des croyances à des machines qui n'ont ni intentions ni désirs ni croyances, de même nous sommes des machines qui ont évolué pour former ces modèles d'interprétation y compris à nous-mêmes. Notre pensée est un cercle (voir L'argument de l'homoncule) où nous pensons que nous pensons parce que nous ne pouvons pas ne pas produire des interprétations de nos processus cérébraux comme s'ils étaient des pensées. Ou pour le dire autrement, c'est parce que nous croyons que nous avons des croyances que nous en avons en effet. 

Dans les débats sur l'esprit et la psychologie, le Behaviorisme disait que la distinction entre les diverses pensées, croyances ou désirs était obscure et qu'il fallait donc en rester aux données observables des stimulations et des réactions, en jetant un voile sur cette machinerie interne du contenu mental ou du vécu conscient. Le fonctionnalisme avait rétorqué qu'on ne pouvait pas faire l'économie de ces différentes pensées entre les inputs et les outputs comportementales et le fonctionnalisme est devenu la forme dominante de tout le discours de la philosophie des sciences cognitives dans les années 1970. L'instrumentalisme de Dennett prenait au début une formulation très behavioriste (dans Content & Consciousness, 1969) mais en admettant en partie son insuffisance. Il disait que nos pensées étaient en fait des modèles théoriques que nous ne pouvions pas nous empêcher d'utiliser comme normes et descriptions mais que la réalité ultime devait bien rester les systèmes stupides et sans pensées qui les rendaient possibles. L'intentionnalité (le fait que nos pensées soient à propos de quelque chose) n'est pas un fait fondamental ou une propriété originelle de la réalité mais une "posture" (intentional stance), un ensemble de thèses et positions à adopter pour interpréter la réalité. La philosophie a souvent voulu traiter certaines notions comme des fictions mais il était plus rare de traiter même le point de vue du sujet comme une sorte d'opération confuse. 

Le pur et simple matérialisme éliminativiste disait que ce modèle théorique de notre psychologie ordinaire était sans doute faux et incorrect, une mauvaise description qu'il faudrait éliminer. L'instrumentalisme dennettien était une forme d'éliminativisme modéré qui disait que ce modèle théorique était une simulation peut-être insuffisante ou vague, confuse mais quand même trop utile pour qu'on puisse prétendre facilement s'en passer de fait. Cela le posait donc dans une sorte de version plus acceptable de l'éliminativisme : Dennett savait à la fois parler à des intuitions du sens commun et provoquer quand il le fallait (et il n'aurait probablement pas aimé présenter une de ses théories comme une version "modérée"). 

L'idée de fondation et l'évolution

On appelle en philosophie analytique "naturalisme" non pas seulement la thèse que tout est "naturel" et que rien n'est surnaturel mais aussi la thèse que l'ensemble des sciences de la nature doivent pouvoir par elle-même réussir à résoudre leurs problèmes de fondation sans avoir besoin d'une autre science métaphysique qui donnerait des principes fondamentaux au-dessus de ces théories scientifiques. Les sciences doivent se débrouiller pas à pas sans le fondement ultime de la métaphysique (ou bien d'un ensemble de conditions dites transcendantales). Ou comme le dit Willard Van Orman Quine (qui fut le Directeur de Thèse de Dennett, avec Gilbert Ryle), le lent progrès de nos théories scientifiques doit aussi nous fournir les théories de la connaissance qui a rendu possible ces sciences. C'est un leitmotiv de la pensée contemporaine anti-métaphysique depuis l'empirisme (la connaissance doit dériver des expériences), le positivisme (la connaissance doit se réduire à des relations entre des faits) ou le pragmatisme (la connaissance porte sur ce qui peut avoir des effets et conséquences mesurables dans des actions.

Cela ne voulait pas dire que la philosophie se dissolve dans la science. Comme il le disait, il n'y a pas de science aussi sans quelques "bagages" philosophiques non-examinés et une tâche de la philosophie de tout scientifique doit aussi consister à critiquer ses présupposés et ses impensés. 

Dennett était un naturaliste qui fut un adversaire courageux de toutes les "fondations", que ce soit les religions ou bien les thèses métaphysiques sur une conscience qui dépasserait les conditions des sciences de la nature. 

Cela le conduisit aussi à des travaux polémiques sur la biologie contre ceux qui voulaient atténuer certaines conséquences du darwinisme. Le darwinisme n'est qu'une théorie scientifique empirique mais même si elle n'a été découverte empiriquement elle pouvait servir à Darwin de substitut puissant pour toute métaphysique. En donnant enfin un moyen d'éviter la notion d'un Dessein de la nature, la théorie de l'évolution par sélection naturelle avait aussi donné un moyen pour interpréter un sens à donner à l'ensemble des processus biologiques et psychologiques. 

Sur la liberté, Dennett était (pour simplifier) encore un autre "compatibiliste" qui défendait à la fois une forme de déterminisme scientifique et l'idée que l'évolution des systèmes vivants nous permettait de donner un certain sens quand même à ce qu'on peut choisir d'appeler une "liberté" de la volonté dans un monde entièrement naturaliste. Nous avons évolué en acquérant plus de "liberté" que bien d'autres êtres vivants. Mais cette "liberté" ne devait pas être vue comme un pouvoir métaphysique d'indépendance et elle devait s'insérer dans nos théories scientifiques comme un cas particulier.

[On notera que la version publiée de la nécrologie du New York Times affirme à tort que Dennett "nie" le libre arbitre (as a fantasy) comme Spinoza, alors qu'il ne cesse de dire qu'il réinterprète le libre arbitre sans le nier, tant qu'on n'y entend pas un pouvoir miraculeux qui échapperait au temps. J'ai d'habitude des réserves contre le compatibilisme mais ce n'est pas une présentation très neutre par l'auteur de la nécro.]


Les Pompes à intuition

Daniel Dennett avait un grand talent de conteur et c'est sans doute ce qu'on retiendra le plus de lui, avec son humour, son imagination et sa grande générosité. Même dans son combat contre les religions, il gardait cette attention espiègle qui le rendait moins sentencieux que certains autres militants de l'humanisme athée. 

Sur la page YouTube de Monsieur Phi, on peut entendre sa traduction d'un des récits les plus célèbres de Dennett, "Where Am I?", extrait de Brainstorms

Il avait écrit de nombreuses narrations, de nombreuses expériences de pensées (ce qu'il appelait des "Pompes à Intuition") et sa théorie était que ces récits étaient des manières de réinterpréter nos propres pensées pour agir sur elles. Nous étions donc des êtres qui nous formons des fictions et certaines sont plus correctes ou plus commodes. Il mettait aussi en garde contre les risques d'être pris au piège de certaines des histoires faciles que nous nous racontons à nous-mêmes. Certaines peuvent être des obstacles. La philosophie doit nous débloquer de certaines de ces fictions (comme des mythes à dépasser ou les récits surnaturels aliénants) mais elle ne prétend pas nous délivrer de tout usage de ces fictions dans son évolution pour se corriger.




*

Hommages improvisés précédents : Michael DummettRuth BarcanJaakko Hintikka, Hilary PutnamSaul Kripke.  

jeudi 18 avril 2024

νόστος

Jour 1 : Athènes

Dîner à l'arrivée chez Mani Mani (rue de Phalère à Athènes). Ils ne font plus les demi-portions à partager semble-t-il mais ils ont offert un μαστίχα très parfumé. 

Jour 2 : d'Athènes à Nauplie

Le Canal de Corinthe (Διώρυγα της Κορίνθου, 1882-1894) est un site impressionnant, 6 km de long, 25 m de large, 60 mètres de profondeur (mais seulement 8 mètres de tirant d'eau). Dans l'Antiquité, le "δίολκος" n'était pas un Canal mais un système de portage des navires sur des rails de bois. Néron avait déjà tenté de transformer ce très ancien système par un Canal un an avant d'être exécuté. 

L'Ancienne Corinthe (11 km plus au sud et dans les terres que la Corinthe moderne) avait deux ports, Cenchrées au sud-est sur le Golfe Saronique et Léchaion au nord-ouest sur le Golfe de Corinthe, mais le diolkos passait près de l'actuel Canal, depuis Schoinous (près d'Isthmia, actuelle "Kalamaki de Corinthie") vers l'actuelle Poseidonia.

On dit que le diolkos aurait peut-être été développé déjà par le Tyran de Corinthe, Périandre fils de Cypselos (640's ? - 585 ?). Ce Périandre est un personnage mystérieux qui est décrit par les textes soit comme un monstre qui aurait couché avec sa mère Crateia, qui aurait tué sa femme et se serait mortellement brouillé avec son fils, soit au contraire comme un des Sept Sages (mais dès l'Antiquité, on disait que c'était un homonyme ou un cousin du premier et on attribue à ce Périandre le fragment "la démocratie est supérieure à la tyrannie" et "un tyran devrait se protéger par la loyauté et non par les armes"). Platon mentionne peut-être ce tyran quand il dit que l'âme corrompue par ses désirs rêve de coucher avec sa mère (République IX, 571c). Le père de Périandre Cypsélos aurait été enfermé dans un coffre enfant à cause d'une prophétie comme Persée et Periandre pourrait être un des modèles possibles pour certaines allusions politiques sur Oedipe chez Sophocle. 

Nous sommes allés jusqu'aux ruines de l'Ancienne Corinthe (sans monter jusqu'à l'Acrocorinthe). Dans la légende du concours entre Hélios et Poséidon, pour une fois Poséidon ne perd pas et partage la souveraineté avec Hélios : à lui l'isthme et à Hélios le sommet. Les rois mythologiques de Corinthe comprennent un éponyme Korinthos, fils de Hélios, Sisyphe fils d'Eole (roi d'Ephyra), Glaucos, Bellerophon, un certain Créon ou Menoecos fils de Lycaethos. La Cité a donc les deux plus grands héros de l'Hubris, celui qui défie la Mort (Sisyphe) et celui qui veut aller au Ciel (Bellerophon). Seul le premier est gardé comme un des condamnés célèbres du Tartare. Dans l'Iliade, elle est censée être aussi soumise à Agamemnon de Mycènes. 

On n'est pas allé au Lac Stymphale, cela aurait fait un détour dans le chemin entre Corinthe et Nauplie. On se promène au bord du Golfe argolique (à Anisi, près de Tolo). 

Jour 3 : Mycènes

Le Musée de Mycènes a un bon résumé de la mythologie : il y a deux Maisons successives : les Perséides et les Atrides. J'ignorais qu'une étiologie antique croyait voir un lien entre Mycènes et μύκης (champignon) parce que le Pommeau de l'épée de Persée aurait eu une forme de champignon (ou parce qu'il se serait désaltéré avec un champignon)... Il y a quelque chose de très obscur sur ce mythe où Persée d'Argos et son oncle Proetos de Tirynthe échangent leurs cités parce que Persée aurait tué son grand-père Acrisios par accident. Les Argiens ont formé une mythologie où les cités archaïques de Mycènes et Tirynthe seraient postérieures à eux. 


Je pensais que je serais plus frappé par la Porte des Lionnes mais en fait, c'est surtout les grands tombeaux (le tholos de Clytemnestre, celui d'Egisthe ou le tholos d'Atrée à côté) qui étaient les plus impressionnants avec leur haut dôme. 

Ma fille Rainé a reçu des adaptations d'Aristophane. Les Grenouilles est peut-être le plus drôle mais hélas demande un peu de savoir qui sont Eschyle et Euripide, ce qui rend donc la pièce peu adaptée pour les enfants. Les Oiseaux est très, très bizarre (et paraît presque plus impie ou blasphématoire que toute l'oeuvre des sophistes : les escrocs qui fuient Athènes réussissent avec l'aide de Prométhée à compromettre la communication entre Ciel et Terre). La Paix n'est pas très drôle en dehors du scarabée géant pour aller sur l'Olympe. 

Jour 4 : Epidaure

Le complexe des temples d'Asclépios, Apollon et Hygeia (plus des divinités égyptiennes inconnues) est si vaste que cela donne une impression d'un Disneyland de ville de cure, avec son stade et tous ses temples. Si on descend dans l'Abaton d'Asclepios, on y voit les publicités antiques promettant une guérison. 


Un élément intéressant de l'image ci-dessus dans la notion de représentation ou l'histoire de la BD est le sens de lecture de l'image : d'abord à gauche, ce que croit voir subjectivement le Patient pendant son "incubation" dans le Temple (il voit Asclépios) et ensuite à droite la réalité objective avec le serpent qui vient lécher la blessure pendant qu'il dort (ce que voient les Prêtres). La plus grande image est donc un peu comme une "bulle" de pensée de la réalité dans la case à droite mais le rêve est "la vérité" de ce qui est visible dans le monde éveillé.  

Il y a des spectacles dans le Théâtre d'Epidaure mais ils sont en août (les Troyennes cette année), mais qui a l'endurance d'aller en Grèce en août ? 

Jour 5 : Petit tour à la Forteresse dite de Palamède à Nauplie. Dispensable, sauf pour la vue sur la baie du golfe argolique et pour voir Argos au loin. 

Voyage vers Sparte, pour voir Mystras. Mystras fut une capitale du Despotat du Péloponnèse à la fin de l'Empire byzantin et abritait environ 20 000 personnes. Maintenant la ville est une ville-fantôme de ruines. 


Il y avait une cérémonie orthodoxe pour la Vierge "Hodogetreia" avec pas mal de monde, y compris des officiers de l'armée grecque. 

Jour 6 Mésaventure en Laconie

Nous sommes le jour du Sabbat et tous les garages ferment quand notre voiture a un problème d'alternateur (whatever that is). Nous trouvons finalement quelqu'un de très aimable qui nous aide et nous repartons vers Monemvasia où nous arrivons assez tard. 

Jour 7 Monemvasia

Charmante ville pour s'y perdre, un village médiéval qui est encore habité contrairement à Mystras. La ville fut imprenable au début pour les Francs au début de la période d'occupation franque du XIIIe siècle mais ensuite elle changea de main souvent. Il est difficile d'imaginer que la dynastie Paléologue croyait encore après la chute de Byzance que Monemvasia pourrait leur servir de base pour reprendre le contrôle de l'Empire. Elle fut occupée successivement par les Francs, les Byzantins, les Turcs, les Vénitiens, les Turcs à nouveau et même les Anglais qui devaient y voir une nouvelle Gibraltar. 

La "Sainte Sophie" de Monemvasia est vue par les Grecs comme une version miniature de celle qui fut perdue à Constaninople. 

Nous repartons vers Nauplie en passant par Sparte et même brièvement par Tegea

Jour 8 Musée archéologique de Nauplie : deux grandes salles qui réunissent des fouilles de plusieurs cités autour de Nauplie des ruines mycéniennes à la période classique. 

Maquette de Tirynthe avec ses murs cyclopéens


Il y a une rupture nette dans le style entre les géométries abstraites des XIIIe siècles et le début d'apparition de thèmes narratifs mythiques vers le IXe-VIIe siècle. Peut-être que la création des mythes se cristallisa pendant cet âge où Argos et Thèbes devaient être plus influentes, ce qui explique leur place si importante par rapport à Sparte et Athènes, et même par rapport à Mycènes ou Tirynthe. 


Ce bouclier votif du VIIe siècle à Tirynthe représente un guerrier tuant une guerrière, peut-être Achille face à Penthésilée. Petit détail bizarre : l'audio-guide en français devait avoir été traduit par un traducteur automatique : il disait par exemple que cet épisode avec Penthésilée est dans "La Négresse" (sic !, pour l'Ethiopide d'Arctinus de Milet). Il parlait aussi d'une ruine "dans les Arbres" (= à Dendra). 

Passage final à Eleusis avant de revenir à Athènes. 

Le musée d'Eleusis explique bien le processus d'initiation et le festival. Un détail est qu'alors que les divinités d'Eleusis sont la Mère et la Morte (Déméter et Koré Porteuse de Torches), le clan des prêtres se disait descendant d'Eumolpos, fils de Poséidon. Tout le mythe du partage entre Athéna et Poséidon recouvre donc aussi non pas seulement l'opposition entre stabilité par la sagacité / mouvement impétueux mais aussi Athènes et Eleusis. Eumolpos et ses Eumolpides sont peut-être reliés plus à l'eau douce qu'il faut franchir plusieurs fois sur la Hiera Hodos pour arriver à l'initiation (il y a toujours aujourd'hui un semi-marathon sur cette Voie sacrée de 21 km). Les Petits Mystères avaient lieu en fin d'hiver, au mois d'anthestéria (février) et les Grands Mystères en fin d'été, au mois de boedromion (septembre). Un détail est qu'on ignore quels étaient les objets sacrés que le Hiérophante montrait dans un coffre aux Initiés. Le secret des Mystères a été bien gardé. 

dimanche 7 avril 2024

Une semaine dans le Péloponnèse



Le voyage en Grèce annoncé commencera demain. Nous nous limiterons à l'Est du Péloponnèse, CorinthieArgolide et Laconie

Jour 2-3-4 Nafplio (plan actuel : Mycènes, Corinthe, Epidaure et si je réussis mon jet de Persuader le Lac Stymphale)

Jour 5 Sparte (en fait Mystra)

Jour 6 Monemvasia

Jour 7 Nafplio

J'ai renoncé à mon projet en Arcadie

Je n'étais pas du tout attiré par Olympie en Elide

Mais j'ai lu depuis chez un touriste que les ruines messéniennes valent curieusement le coup (il prétendait même que Messène était plus impressionnant que Mycènes !), ce sera pour une autre fois. Le Thébain Epaminondas avait reconstruit Messene en 370 comme symbole de sa victoire contre les Lacédémoniens et les Macédoniens protégèrent le retour des révoltés contre Sparte (il crée aussi Megalopolis en Arcadie, qui existe toujours). 

3 x Ulysse

 Pièce de Claude Galéa, mise en scène de L. Guédon, au théâtre du Vieux Colombier jusqu'au 8 mai 2024. 

Que faire des mythes sans les momifier et sans les instrumentaliser pour nos discussions banales ? 

Ce sont trois femmes qui parlent à Ulysse, surtout pour se plaindre : Hécube pour le maudire d'être un pillard, Calypso pour lui reprocher son ingratitude et enfin Pénélope qui ne se plaint pas de lui mais plutôt du temps qu'elle a dû affronter aussi seule. Hécube ne peut qu'être hystérique dans sa peine mais elle semble être une mauvaise conscience en tant que survivante de toutes ses victimes. Calypso est plus passive que Circé qui aurait peut-être pu plus parler d'égale à égale (mais qui aurait été aussi plus convenue). 

Les trois femmes parlent à trois acteurs différents mais je n'ai pas vu d'évolution majeure entre les trois désarrois des Ulysse. 

Je ne sais pas ce que peut produire le langage dramatique dans la prose "poétique" mais c'est surtout ici des stances qui répètent des synonymes ou des idées fixes. Le vers permettait au langage de tenir tout seul et là il ne reste qu'un contraste entre le prétexte du mythe et notre discours anachronique de nos préoccupations (elles lui reprochent de ne pas pouvoir montrer de la sororité et c'est peu dire comme il est avant tout un solitaire tourné vers lui-même). 

Que lui reprochent-elles vraiment ? De ne pas aimer ? De vivre comme une persistance dans son être qui va toujours prétendre revenir mais qui va continuer à fuir ? Elles ont bien compris son ambiguïté et il s'en défend très mal, ce qui fait qu'on manque de dialogue. J'aurais aimé des voix plus divergentes. 

La mise en scène utilise des chansons de différentes époques pour le Choeur et ce sont donc ces diverses parties musicales un peu hors sujet qu'on retient presque plus. 


[Ombres de Dune] L'Univers de l'Incal (ou Jodoverse)

Il est difficile d'énumérer toutes les influences de Dune dans les univers de SF, et notamment dans les jeux de rôle de SF, tant elles sont nombreuses. J'ai déjà parlé par exemple des 6 religions dans Empire galactique, de l'univers arabisant de Coriolis ou de l'univers de SpaceMaster (où l'Eglise contrôle les télécommunications)

On ne peut pas réduire l'Incal et les autres oeuvres du "Jodovers" à une version du film Dune que Jodorowski n'avait pas réussi à faire (et où il se fourvoyait complètement en faisant de Paul le vrai avatar de Dieu). Certains aspects plus proches du film noir de l'Incal (1980) se trouvaient déjà dans The Long Tomorrow de Moebius et Dan O'Bannon et ils annoncent sur ce point (en plus de la paranoia de Philip K. Dick) le Blade Runner (1982) de Ridley Scott. 

Mais en gros les analogies entre l'Incal et Dune sont claires. Il y a un Empereur qui est créé génétiquement depuis des siècles et le Plan a donc déjà eu lieu avant le début de l'histoire. Il y a les "nonnes-putes" Shabda-oud qui sont les Bene Gesserit. La Loge Noire des Techno-Techno est un mélange des Ixiens, des Bene Tleilaxu et un peu aussi de la Guilde des Navigateurs avec une grosse dose de satire de l'Eglise catholique et de satanisme. L'Endogarde Noire est les Sardaukars. Les Mentreks sont une version plus cyborg des Mentats (comme les interdits sont différents). Il y a des grandes Maisons d'Aristos comme les Maisons du Landsraad. L'Ekonomat est la CHOM. Il n'y a pas d'équivalent clair pour les Troglosocialiks (colons communistes) ou pour de nombreux éléments plus "Jungiens" alchimico-ésotérico-NewAgeo-tarotologues (dont certains vont aussi se retrouver de manière encore plus satiriques dans Valérian). 

Le niveau technologique est bien plus élevé et quasi-magique dans l'univers de l'Incal. Les "Simaks" (des androïdes) semblent bien plus puissants et polymorphes que les Face Dancers tleilaxu. 

Le Métabaron avait commencé comme un super-mercenaire amoral dans l'Incal (et certains lecteurs ont cru à tort que c'était plus un Harkonnen ou ce que Villeneuve a fait de Duncan Idaho) mais il apparaît ensuite plutôt comme le Duc Leto Atréide (alors que l'Empereur serait déjà une version du Plan réussi des Shabda-Oud). La planète de marbre Marmola , seule à contenir l'épiphyte anti-gravité dans tout notre univers, est Arrakis la planète des sables avec l'épice

En poussant un peu, le Gargale Gangez (l'Ange-Vautour, l'Oiseau blanc symbole de la Maison des Castaka) est le gardien de l'épiphyte sur Marmola et pourrait être un équivalent très transformé de Shai-Hulud. Le Ver rampant qui produit l'épice serait inversé en Oiseau céleste gardant l'épiphyte d'une autre dimension. La fusion des Metabarons avec Gangez évoquerait alors plus Leto II l'Empereur-Dieu fusionnant avec le Ver des Sables. 

Mais l'univers de l'Incal est aussi un Multivers et il est dit que l'Empire navigue aussi entre les dimensions. Les Six Gargales sont des Gardiens des Six Portes dimensionnelles. Voilà ce que dit le livre de l'univers-jeu de rôle La Caste des Métabarons (2001) p. 133/136 (voir aussi la synthèse plus précise des six énergies p. 196) :  

Ces portes sont au nombre de six. Chacune d'elles s'ouvre sur un univers qui est l'exact opposé de celui qu'on quitte. Par exemple, aux confins où règne un froid atroce, la porte Temper-Ut, dom le gardien est Uakl, débouche sur un univers brûlant, De même, devant la porte Mardador gardée par Gangez, l'univers est fluide et léger, mais dès qu'on en franchit le seuil, on pénètre dans une dimension où toute chose présente une extraordinaire densité, une compacité infinie. (...) Dans notre univers, les 6 portes secrètes qui marquent le passage vers d'autres univers, celles dont seuls les fous osent rêver franchir, un jour, le seuil, sont respectivement Mardador, Temper-Ut, Lucioh, Per-Beod, Chonch et Puerko. Mardador est la porte gardée par l'oiseau Gangez. Elle mène des confins denses à un univers léger, et la maîtrise de la gravité est le secret qui y est associé, Temper-Ut mène des confins chauds à d'autres confins froids. Cette porte est gardée par Uakl, une tortue de mercure, qui détient le secret de la modification des températures. Gardée par Ophidat, une entité reptilienne aux écailles noires et blanches qui possède le Secret de la lueur et des ténèbres, Lucioh est la porte qui mène de l'obscurité à la lumière. Comme chacun sait la Sainte Eglise Industrielle a une affinité toute particulière avec cette porte et ce gardien. Per·Beod est la porte qui conduit d'un univers sec à un autre liquide. Son gardien. Bemb détient la source absolue, le secret de la maîtrise de l'eau. Il semblerait que Bemb se soit un jour, pour une raison ou une autre, entendu avec l'Ekonomat et qu'un pacte les unisse. Chonch, la porte qui débouche d'un univers rugueux dans un univers lisse, est gardée par Ruante qui possède la capacité de modifier à volonté le relief des mondes. Son pouvoir est détenu dans un objet, un petit pinceau en orikarb. Enfin, Podrih-Do, gardien capable d'agir au niveau moléculaire le plus infime et de maîtriser la chimie des arômes, veille sur Puerko, la porte par laquelle on quitte des confins pestilentiels pour déboucher dans un univers parfumé.

Chronologie des 300 siècles

Il y a une petite chronologie dans le livre sur l'Univers des Métabarons p. 17-18 (qui à l'époque s'arrêtait à la fin du CCCe siècle :

36e Siècle Rosemonde le Rebis Alchimique devient le premier Empereur galactique. 

46e Siècle La Planète d'Or devient la nouvelle capitale impériale. 

135e Siècle Artaran & Marmala, les Jumeaux, remplacent Rosemonde et l'Empire contacte les autres Univers parallèles. 

Sur Ahour-la-Naine, Dayal de Castaka naît d'un viol d'une Castaka par un Amakura. Les Castakas massacrent tous les Amakura qui ont le temps de se venger en rendant toute la Maison Castaka stérile en dehors de Dayal le bâtard. La Guilde Techno devient l'Eglise Techno et ils viennent détruire toute la Maison Castaka pour prendre le contrôle d'Ahour. Dayal s'enfuit avec sa femme et ses deux jumelles. Ils rejoignent les Pirates et découvrent par hasard Marmola. Dayal se lie à l'oiseau Gargez et détient le secret de l'épiphyte. 

233e Siècle : Margaela & Magellan deviennent le 3e couple impérial. Puis ce sera les siamois Janus-Jana. 

236e Siècle : le Technopape des Techno se sépare de la Papesse des Shabda-Oud. Elles utilisent des Cetacyborgs, des baleines de l'espace. 

299e Siècle : Les deux jumelles fusionnées de Castaka ont un enfant avec Ulrich un viking de l'espace, Berard. Berard donne ensuite sa fille Edna à Othon von Salza. L'Empire découvre le secret de Marmola et conquiert la planète. Le Premier Metabaron Othon doit s'enfuir vers la planète Okhar, puis sur Perdita mais il sera anobli par l'Imperoratrice Janus-Jana. La Shabda-Oud Honorata engendre Aghnar, le 2e Metabaron, qui sera un cyborg mais qui contient de l'épiphyte dans son organisme. C'est le début du rituel sanglant du parricide des Metabarons : chaque Metabaron devra tuer son prédécesseur et être mutilé d'un membre pour hériter du titre. 

300e siècle : Aghnar tombe amoureux d'Oda mais elle est laissée sans âme par les Shabda-Oud. La mère d'Aghnar Honorata possède alors (à l'insu de son fils) le corps de sa brue zombie Oda et elle engendre ainsi le 3e Metabaron, Tête d'Acier, qui sera rejeté et mutilé par son père. Tête d'Acier tue son père et se greffe la tête de Zaran le Poète pour devenir plus humain : il devient Melmoth. Il tombe amoureux de Dona Vicenta (dont il a tué le père) et elle engendre alors le/la 4e Metabaron, Aghora, une fille (quasi-hermaphrodite car elle a le cerveau de son frère mort). Aghora est nourrie par Dejanire la Tarantulouve mais iel rompt avec la tradition en ne tuant pas son père Tête d'Acier qui disparaît. Aghora s'auto-féconde et engendre Sans-Nom, le 5e et dernier Meta-Baron qui tue son père/mère mais jure de ne jamais avoir d'enfant. Il tente de sauver l'Humanité d'un désastre en la conduisant par la porte Lucioh vers un Univers de Lumière. Tête d'Acier doit se sacrifier pour le sauver. Le Metabaron Sans-Nom décide de rompre avec la tradition martiale et le statut de mercenaire créé par le 2e Metabaron. L'Oiseau Gangez se réveille et lui dit qu'il est le premier Metabaron à avoir dépassé la vengeance vers la pitié. Il se consacrera désormais à la justice et à lutter contre les Ténèbres de l'Eglise Techno. 

301e siècle : (Scénario de Jerry Frissen) Le nouveau Technopape reconstruit une nouvelle Planète d'Or. L'épiphyte (qui est le résidu de l'univers originel avant le Multivers, ce qui explique comment il contredit les lois de la Nature) arrive à sa fin sur Marmola et l'univers menace de se contracter sans l'épiphyte. Les Technos créent l'Anti-Baron Khonrad, clone du Metabaron Sans-Nom mais il meurt en tuant son maître. Le Technopape a une fille, Orne qui devient la compagne du Méta-Baron et tombe enceinte de lui. Alors que leur univers va être détruit, un Simak (androïde polymorphe) remplace le Technopape et poursuit le Metabaron vers la source de l'épiphyte dans une autre dimension, vers la planète Algoma, contre-partie de Marmola. Le Métabaron doit s'allier à la Métagardienne indigène de l'épiphyte contre l'invasion des Simaks et il sauve son univers avec l'épiphyte d'Algoma, mais la Métagardienne (qui est aussi enceinte du Métabaron) tue Orne. Le Métabaron aura deux enfants : un fils de la Métagardienne, Adal, et une fille d'Orne, Dargona.  

samedi 6 avril 2024

Abélard à Astralabe

Abélard (1079-1142) écrivit au fils qu'il eut d'Héloïse (1092-1164), Astralabe (né en 1116, Abélard avait 36 ans et Héloïse 24 ans), ce poème pédagogique dans le style de l'Ethique à Nicomaque. Les premiers vers sont assez banals (du genre un peu augustinien, étudie bien mais aussi selon ton maître intérieur). Voici les vers 145-149 (le poème a 1042 vers). 

alter ego nisi sis non es michi verus amicus
ni michi sis ut ego non eris alter ego
quos in amicicia sua querere lucra videbis
quod dici cupiunt hoc simulare scias
cuius criminibus cito credis non es amicus

A moins que tu ne sois un autre moi, tu n'es pas mien vrai ami
Si tu n'es pas pour moi comme moi, tu ne seras pas un autre moi
Tu verras ceux qui recherchent un profit dans l'amitié
Sache qu'ils désirent cacher ce que j'ai dit
Tu n'es pas ami de celui à qui tu fais trop vite confiance dans ses crimes


A une époque où je voulais devenir romancier et que je croyais que cela devait consister à plagier sans cesse Umberto Eco, je trouvais ce personnage d'Astralabe très mystérieux. Je l'imaginais à Nantes peut-être épris de la fille O(riane ?) du Duc Hoël de Bretagne et enquêtant sur la mort de Geoffrey Plantagenet en 1158. Mais The Pillars of the Earth (qui se finit dans les années 1150-1170) et Cadfael (qui se termine vers 1145) ont peut-être déjà un peu épuisé toute cette période des premiers Plantagenets. 

jeudi 4 avril 2024

Galimafrée

 * Je tombe sur l'entrée Pierre Goldman de Wikipedia et j'ignorais que Régis Debray (qui avait été proche de lui) ne croyait pas à son innocence sur les meurtres dont on l'accusait. En dehors de l'argument (qui semble assez fort) de l'alibi pour le disculper, il faut reconnaître que c'est un peu suspect qu'il y ait par coïncidence un vol commis par quelqu'un d'autre selon la même procédure que lui la veille d'un de ses propres vols... Dans la suite de l'article sur sa période à Libé, j'ignorais aussi à quel point Guy Hocquenghem (son ennemi à Libé) avait été une telle ordure qu'il demandait une alliance entre l'extrême "gauche" et les racistes et antisémites, en une sorte de soralien avant l'heure. 

* On a un peu oublié l'intensité du terrorisme d'extrême droite des années de Plomb en Italie (depuis la Piazza Fontana à Milan en 69, le train Italicus près de Florence, Piazza della Loggia à Milan, massacre de Bologne...) et en France (Curiel, Goldman...). L'assassinat d'Aldo Moro fait qu'on se souvient plus que des BR, je trouve, ou en France d'Action Directe. 

* Il y a en maths une "preuve" de 500 pages de la conjecture abc (une conjecture en analyse diophantine) tellement dense (par Shinichi Mochizuki) que depuis 12 ans les mathématiciens n'arrivent pas à se mettre d'accord pour savoir si c'est ou non un théorème avec une démonstration valide ou s'il y a bien une erreur (le consensus majoritaire mais pas absolu a l'air d'être que c'est toujours une conjecture et que Mochizuki, quel que soit son talent, n'a pas réussi). Mais je trouve cela bizarre que la question ne soit pas tranchée de manière claire. 

* Pookie fait une review d'un scénario récent pour Traveller, Manticore (qui se passe sur Pysadi, dans le sous-secteur Aramis, qui apparaissait déjà dans The Traveller Adventure). C'est dans un cycle de petites aventures (non-officielles mais sous "licence") écrites par un certain Carl Terence Vandal, The Phoenix Initiative (qui se passe sur Wochiers) et The Mariposa Affair (qui se passe sur Ruie). Mists of Tionale est dans le secteur Vilis, à quatre parsecs de Ruie. 

* Quintin Smith, que j'aimais bien sur les jeux de plateau, a maintenant aussi une chaîne sur les jeux de rôle et je dois reconnaître qu'il parle de jeux indie dont je n'ai jamais entendu parler ailleurs alors que je passe mon temps à suivre des media sur les jdr. 

* Une discussion (sur Mastodon) m'a fait changer d'avis sur Fading Suns. Je trouvais cet univers trop sombre et désespéré mais j'ai vu qu'on peut en réalité y jouer un univers bien plus ouvert et optimiste que dans Dune (je n'avais jamais perçu que l'Empereur Alexius peut aussi tenir lieu de nouveau Roi Arthur dans les étoiles). En revanche, une originalité de Dune était d'avoir choisi comme modèle principal l'Islam alors que Fading Suns a choisi d'inverser la référence en prenant le Christianisme Orthodoxe, mais cela peut finalement paraître trop commun et eurocentrique dans sa tentative de s'éloigner de son modèle.

mercredi 3 avril 2024

John Barth (1930-2024)

Barth, qui vient de mourir à 94 ans, n'est pas encore assez traduit dans la langue de Diderot, ce qui doit expliquer qu'on ne le connaît pas encore assez ici - et il est possible qu'il soit déjà un peu trop tard comme ce qu'il a inventé est devenu déjà banal ensuite. Il était à la fois un romancier et un universitaire qui enseignait l'art du roman et ses romans commencèrent donc à porter sur leur forme même, à la fois humoriste et érudit, parodique et analytique. 


Né dans le Maryland, il avait fait son Masters dans l'université locale Johns Hopkins (Baltimore) en 1952 et il revint par la suite passer la majorité de sa vie dans cette baie du Maryland pour enseigner l'Ecriture à Johns Hopkins. Il prétend que c'était en travaillant comme assistant bibliothécaire dans les rayonnages de Johns Hopkins qu'il devint écrivain en classant les anthologies de contes comme des contes sancrits (la collection Peabody de la Sheridan Library abrite 300 000 livres du XVIIIe-XIXe siècle). D'un côté, Barth était très "régional" ou local (les marais du Maryland reviennent toujours de manière obsédante) alors que ses goûts le portaient vers un certain encyclopédisme littéraire comme celui de Borges. 

Après ses premiers romans réalistes, il écrit The Sot-Weed Factor (1960, traduit en 2002 le Courtier en tabac), où le personnage d'Ebenezer Cooke (1665-1732) est un des premiers poètes du Maryland et a écrit dans la réalité un poème satirique sur les escroqueries de la vie des premiers colons en Amérique. Barth transforme ce poème obscur sur un marchand de tabac en un conte à la Candide ou à la Tristram Shandy où Cooke croit écrire une épopée qui devient un récit de la désillusion sur le Nouveau Monde. 

Pale Fire de Nabokov, le roman bâti sur des annotations délirantes d'un poème, sort en 1962 et Barth sera ensuite un des rares écrivains contemporains qui trouvent grâce à Nabokov. Et ils partageaient un formalisme et une certaine indifférence à des questions de morale ou de politique. 

En 1966, Giles Goat-Boy est un conte plus fantastique. Giles a été abandonné et éduqué par des chèvres, ce qui en fait un petit Satyre. Retrouvé, il est élevé dans un Univers-Université dirigée par un Ordinateur et toute une partie du roman devient une parodie des savoirs que ce Satyre érudit absorbe, alors que les Départements de l'Université entrent dans une Guerre froide. 

Barth théorise alors ce qu'on appellera le "Post-Modernisme" en littérature dans son essai "The Literature of Exhaustion" (1967) où il parle de Nabokov et Borges comme les représentants de ce courant qu'il va définir comme méta-fiction. Il ajoute ensuite une correction dans "The Literature of Replenishment" (1979) qu'il reprend dans son livre Friday Book (1984). 

Un des personnages récurrents des romans de Barth va devenir Sheherazade, comme le personnage-narratrice qui entre dans ses propres récits des Mille et Une Nuits pour sauver la vie par la fiction. Chimera ou Letters ou The Last Voyage of Somebody the Sailor la font apparaître avec d'autres personnages de Barth qui s'écrivent et se racontent leurs points de vue. 

Les derniers romans m'attiraient moins car je trouvais que Barth jouait plus nettement sur l'auto-fiction (et le cadre du Maryland), comme beaucoup d'autres romans récents, et moins sur son procédé de méta-fiction sur des personnages fictifs. 

Son dernier roman, Every Third Thought (2011, il avait 81 ans) est sur un vieux romancier de Johns Hopkins qui réfléchit sur sa propre mort à venir. Cela pouvait être divertissant comme refrain sur Barth lui-même mais sa Comédie humaine risquait de se refermer uniquement sur des impressions de l'auteur-narrateur. 

mardi 2 avril 2024

Substitutions

J'ai souscrit au financement de Chrysalis, le nouveau jeu sans MJ dans l'univers de Shaan. Depuis mon énorme déception devant l'engagement nazi de MAR Barker, j'ai cherché d'autres univers pour combler ce manque et il y a bien le jeu québécois Mechanical Dreams ou Jorune, mais j'aime encore plus ce qu'ils ont réussi à faire avec Shaan (et je conjecture que le mysticisme écolo d'Igor Polouchine n'a rien d'obscurantiste). 

Puisqu'on parle de créateurs "controversés" comme on dit, la première version (Playtest, 2022) du nouveau jeu de rôle de Marvel (Marvel Multiverse) aurait été écrite en cachette par un certain A. "Autarch" Macris, un auteur d'extrême droite (voir ce thread sur somethingawful). Mais l'auteur principal de la version finale de 2023, Matt Forbeck semble laisser dire au contraire qu'il ne reste rien de ce brouillon (et de toute façon Macris lui-même dit n'avoir été tout au plus qu'un ghostwriter sans contrat). J'aime bien certains jeux de Forbeck comme son jeu de superhéros dystopique Brave New World (une variante sur Watchmen, en gros) mais j'ai trouvé Marvel Multiverse inutilement lourd, malgré quelques jolis clins d'oeil pour les fans (le dé 616 où un des 3d6 a un 1 qui vaut 6). Son intérêt principal pour l'instant est que le jeu de base a la description de 130 personnages (dont environ 80+ héros et environ 40 vilains), ce qui est assez rare (le vieux Marvel Superheroes Advanced Set (1986) de Jeff Grubb avait 45 superhéros et 28 vilains). Il y a déjà une campagne de 250 pages (The Cataclysm of Kang) mais j'ai l'impression que c'est plus une anthologie de plusieurs scénarios avec voyages temporels ou dimensionnels et je ne crois pas que l'idée D&D de scénarios avec ascension de niveau régulière marche très bien pour le genre des comics. 

Anne Vetillard (1963-2024)

Anne Vetillard est décédée dans sa 61e année. Elle n'avait pas que traduit des jeux de rôle (comme Bushido ou Torg) mais aussi des romans (comme le cycle des romans de Feist & Wurt dans un univers très inspiré par l'Empire du trône de pétale). Elle créa le jeu de rôle Légendes de la Table ronde. Elle avait encore récemment participé au renouveau de Laelith. 

On peut aussi voir une interview d'elle d'il y a 6 ans. 

Une image d'un Grandeur Nature il y a 20 ans aux costumes superbes, à thème Te Deum Pour Un Massacre où elle jouait une des maîtresses du Roi de Navarre, Diane Corisande d'Andouins, Comtesse de Guiche (1554-1620). 


Add. L'hommage de Tristan Lhomme. 

La France, c'est le Bacon Re.: Contexte

 On avait déjà parlé des erreurs d'interprétation d'une citation célèbre sans le contexte et de l'erreur de citation d'Alain interprétant mal une phrase de Montaigne


Un autre exemple est la phrase souvent citée en anglais "La Connaissance est le Pouvoir" (Knowledge is Power) attribuée à Francis Bacon

Lier ainsi la modernité à une forme de pragmatisme (où tout concept est un outil) paraît plausible comme le "Lord Verulam et Vicomte de St Albans" a l'image de Père de l'Empirisme moderne, ne cesse de défendre l'Avancement de la Philosophie naturelle et de la science nouvelle et qu'il est connu pour d'autres phrases comme "la nature ne peut être dominée qu'en lui obéissant" (Natura non nisi parendo vincitur, Novum Organum, 1620, Livre I, §3 & §129). 

Mais la première citation est un contre-sens. Le passage où apparaît Scientia ipsa potentia dans ses Meditationes sacrae (1597) parle de tout autre chose

La théologie et l'omniscience

Bacon y est en train de critiquer l'athéisme et les excès inverses d'"hérésies superstitieuses".  Le futur Lord Verulam (il ne sera anobli que plus tard et n'est encore que juge) distingue alors deux attributs divins : sa volonté bonne et sa puissance. La connaissance qu'a Dieu des actes humains et de l'avenir dépend de sa puissance (alors qu'on distingue d'habitude la puissance d'agir et la sagesse ou l'entendement divin et qu'on fait même parfois correspondre les trois facultés à la trinité : le Père est puissance, le Fils est volonté bonne, l'Esprit est sagesse). 

Bacon distingue en effet ce qu'il appelle "trois degrés" des hérésies qui veulent limiter la puissance divine pour expliquer comment le Mal peut exister face à la Volonté bonne et la Puissance infinie. La première forme est de type manichéen avec deux principes opposés (un principe mauvais pour limiter la puissance divine). La seconde refuse ce principe maléfique comme réalité mais garde une absence ou une privation d'être indépendante (un mal comme un néant dans la nature). Enfin la troisième est celle qui dit que cette indétermination n'existe que dans le libre arbitre humain ou dans le futur contingent qui ne serait que saisi immédiatement par Dieu mais de manière indépendante de toute possibilité d'action de sa puissance. Et c'est dans ce moment où il parle de la science que possède Dieu qu'il dit que ce savoir est aussi sa puissance. Selon ce passage, séparer son omniscience comme un savoir du futur mais en le séparant de toute activité serait aussi ruiner son omnipotence. L'intention polémique est de dire qu'une telle limite revient déjà à glisser vers le premier degré, vers une seconde substance manichéenne. 

Du Problème du Mal à la Physique ?

Autrement dit, on cite souvent la phrase comme si Bacon avait dit que notre science humaine allait augmenter notre puissance sur ce monde par ses applications alors que c'est complètement sans rapport. La phrase parle de Dieu et pas des hommes, de la connaissance par Dieu comme partie de sa puissance absolue et non pas de notre connaissance. 

Le vrai créateur de la citation au sens où on l'entend n'est pas Bacon mais un de ses disciples plus matérialiste, Thomas Hobbes. Certes, l'idée de l'importance des applications techniques est bien baconienne (quelques années après, avec le Novum Organum qui lance la polémique anti-aristotélicienne avec Galilée et Descartes) mais pas avec cette phrase. C'est donc un cas où on se dit qu'il ne l'a pas dit (du moins pas tel qu'on l'entend) mais qu'il aurait dû ou pu le dire. 

Bacon est en train d'utiliser la théologie de la puissance absolue comme moyen polémique contre une forme d'indétermination. On dit souvent en histoire des sciences depuis Pierre Duhem que l'idée de puissance absolue de Dieu aurait pu contribuer au contraire à ouvrir à d'autres possibilités en rompant avec certaines des structures aristotéliciennes (le vide ou un mouvement infini pourraient exister si Dieu le voulait, etc) mais ici, Bacon veut garantir une stabilité au nom de cette puissance

Il compare alors la situation à l'indétermination des atomes chez Épicure, ce qui peut faire penser que son but en 1597 n'était peut-être pas déjà que la théodicée mais peut-être déjà une idée plus physique

En revanche, je ne prétends pas comprendre comment Bacon prétendait réussir à régler le problème du Mal tout en évitant cette "hérésie", et comment le politique anglican réglait la question du libre arbitre ou de la grâce. 

Voici une traduction du passage : 

Le troisième degré [des hérésies] est celui de ceux qui limitent et restreignent la première opinion aux seules actions humaines, qui participent du péché : actions qu'ils supposent dépendre substantiellement et originellement, sans aucun enchaînement ou subordination de causes sur la volonté intérieure et du choix de l'homme ; et qui donnent une portée plus large à la connaissance de Dieu qu'à sa puissance ; ou plutôt à cette partie de la puissance de Dieu (car la connaissance elle-même est puissance) par laquelle il connaît, plutôt qu'à celle par laquelle il met en mouvement et agit (statuuntque latiores terminos scientiae Dei quam potestatis, vel potius ejus partis potestatis Dei (nam et ipsa scientia potestas est) qua scit, quam ejus qua movet et agit); pour qu'il puisse ainsi pré-savoir certaines choses, en tant que spectateur indifférent, qu'il ne pré-destine ni ne pré-ordonne (ut praesciat quaedam otiose, quae non praedestinet et praeordinet) : une notion qui n'est pas sans rappeler l'invention qu'Épicure a introduite dans la philosophie de Démocrite, pour se débarrasser du Destin et faire place à la Fortune ; à savoir le glissement latéral de l'Atome ; qui a toujours été considéré par les plus sages comme un glissement frivole. 

Mais tout ce qui ne dépend pas de Dieu comme auteur et principe par des chaînes et degrés, alors cela doit être en lieu et place de Dieu et doit être un nouveau principe et une sorte d'usurpateur de Dieu. C'est pourquoi une telle opinion est refusée comme une indignité et une dérogation à la majesté et au pouvoir de Dieu. Pourtant il est affirmé de manière très vraie que Dieu n'est pas l'auteur du mal, non pas parce qu'il n'est pas auteur mais parce qu'il n'en est pas auteur en tant que c'est mal. 

lundi 1 avril 2024

La SF fut-elle plutôt de droite ?

Certes, HG Wells avait été socialiste (et fut même un triste cas de naïf stalinien) et cela a pu créer un biais sur ce qu'était la science fiction. Certains auteurs américains comme les Futurians (l'éditeur marxiste Wollheim, Frederick Pohl) furent communistes puis trotskyistes (dans cette veine, il y a toujours Steven Brust ou Ken McLeod), et Isaac Asimov, qui fut assez "progressiste" en dehors de son sexisme, avaient été de gauche. Ursula Le Guin fut l'une des rares à commencer en sf une critique interne à l'anarchisme sur les dystopies socialistes. Iain Banks fut aussi un anarchiste qui ne tomba pas dans le "libertarianisme" de tant d'écrivains américains. David Brin est connu pour avoir défendu la thèse discutable que la sf serait plus essentiellement de gauche que la fantasy car elle présupposerait plus qu'un contexte technologique peut transformer la nature et l'humanité (alors que la fantasy serait plus anti-moderne, plus liée à une priorité d'une nature originelle). J'ai l'impression que Kim Stanley Robinson a encore un humanisme progressiste et Greg Egan (qui est un technophile très anti-religieux) s'est engagé dans la critique de la droite australienne. 

Mais sans remonter aux Pulps avec des auteurs fascisants comme Burroughs ou Lovecraft, on a souvent des quiproquos sur des écrivains de SF américains dont on ne perçoit pas bien les opinions. Les Hippies firent des contre-sens de lecture sur Heinlein ou sur Herbert. Robert Heinlein fut libertarien et militariste. Poul Anderson (qui est l'un de mes écrivains préférés) devint de plus en plus archi-conservateur (même s'il dit avoir été très à gauche dans sa jeunesse). Frank Herbert, Républicain, explique que pour lui les mauvais côtés de Paul Atréides sont ceux de personnes dangereuses comme Mao "ou comme JFK". Philip K. Dick est glorifié comme un paranoïaque gnostique mais il écrivait aussi des lettres au FBI pour dénoncer ses camarades de gauche. Ray Bradbury a expliqué que Fahrenheit 451 visait plus la Rectitude Politique de gauche qu'un auto da fe de droite. Larry Niven, Reaganien enthousiaste, écrivit des articles où il conseillait de faire croire aux Hispaniques que les hôpitaux volaient les organes pour qu'ils n'y aillent plus. Jerry Pournelle était un conservateur catholique. Gene Wolfe (qui fut peut-être un des plus cultivé des auteurs de sf récent) était aussi un conservateur classique. Orson Scott Card prétend être un "démocrate conservateur" mais il est aussi un Mormon un peu obsédé par une vision morale homophobe. 

Pour quitter la sf anglophone, on sait que René Barjavel fut vichyssois vichyste. Liu Ciuxin a l'air de cautionner une instrumentalisation nationaliste de son cycle des Trois Corps, comme tous les personnages qui choisissent des convictions humanistes et démocratiques universelles sont toujours des naïfs auto-destructeurs, voire des nihilistes suicidaires, et où les seuls personnages rationnels et réalistes sont ceux qui sont prêts à prendre une position "darwinienne" génocidaire s'il le faut. 

Jeu de rôle Magazine n°63

Je viens de recevoir la semaine dernière JDR Magazine n°63 (daté Hiver 2024, 114 pages). J'avais déjà survolé les derniers numéros n°59-62. J'aime surtout les reviews nombreuses mais je vais plutôt faire la liste des autres éléments principaux (dont 50 pages de scénarios). 

Entretiens : L'adaptation en BD de Hawkmoon par Jérôme Le Gris et Benoît Dellac (Glénat). 

Dossier Cyberpunk (p. 19-36) avec quelques inspis mais traitant surtout du jeu classique homonyme de Mike Pondsmith qui a atteint sa 4e édition, Cyberpunk Red, qui se passe en 2045 (25 ans après la 2e édition et 30 ans avant le jeu vidéo). La VF est publiée chez Arkhane Asylum

Scénarios

L'Anneau Unique (p. 50-63) : Une enquête à Bree autour d'un Elfe en fuite. Très belles illustrations. 

Les Héritiers (p. 64-87) : Monaco féerique et humain de la Belle Epoque (aide de jeu et scénario). 

Missions: Old Wild West (p. 88-99) : En 1869, les agents sont envoyés au Sud-est du Wyoming pour enquêter sur le gang des frères James. 

Il n'y a pas de scénario cyberpunk mais d'un autre côté il y avait eu un scénario pour Quantiques dans le numéro précédent (qui est en gros cyberpunk + super-pouvoirs à la White Wolf). 

Aspirine

Un dossier de statistiques sur les foulancements participatifs de 2023. 

Un article sur l'évolution du Cyberpunk et qui cite aussi parmi les jeux le récent NOC (Sethmes 2023) comme quasi-cyberpunk malgré une ambiance plus mystique. 

samedi 30 mars 2024

Le sable rouge est comme une mer sans limite,

Le sable rouge est comme une mer sans limite,
Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
Une ondulation immobile remplit
L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.

Pas un Orni ne passe en fouettant de son aile
L'air épais, où circule un immense soleil.
Parfois quelque Faiseur chauffé dans son sommeil,
Fait onduler sa queue dont l'écaille étincelle.

Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les Vers géants rugueux, voyageurs vifs et rudes
Se glissent sous le sol à travers les déserts.

D'un point de l'horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
Sous leur ventre annelé crouler au loin les dunes.

Aussi, sans souci du temps et du vent, ils passent
Comme une ligne noire, au sable illimité ;
Et le désert reprend son immobilité
Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent.

Leconte de Lisle, Poésies nouvelles, 1855 
(repris dans Poèmes barbares, 1862)

Le Dune de Lynch de 1984 trouve peu de défenseurs et même son réalisateur l'a renié. Pourtant, en dehors de quelques caricatures cauchemardesques de Harkonnen, les sourcils ridicules des Mentats ou la scène où il pleut à la fin, je le trouve plutôt réussi (même si je pense préférer encore la mini-série). Et je crois que je retiens plus Brian Eno que le Hans Zimmer de la version de Villeneuve. 

J'aime bien le sublime des Grands Monolithes flottants et immobiles de Villeneuve (surtout dans Arrival) mais en dehors de cette ombre du divin dans cette froide architecture totalitaire, je ne vois pas bien ce que j'en tire. 

La différence principale de cette version est d'insister sur la transformation et la trahison de Paul et sur le scepticisme croissant de Chani malgré son amour. Irulan et Jessica sont plus actives (Villeneuve a dit qu'une de ses idées était de faire une adaptation plus centrée sur les Bene Gesserit et de réduire la place des Mentats). Le film développe aussi le personnage assez secondaire de Margot Fenrig (la Bene Gesserit envoyée pour séduire Feyd - qui a pris plus d'importance dans Paul of Dune, un des sequels de Brian Herbert qui se passe entre Dune et Messiah of Dune). En revanche, Alia au Couteau, la soeur du Prophète, devra attendre le Messie car elle n'est toujours pas née dans cette version. Le fait d'avoir développé la Princesse Irulan rend ce pauvre Empereur encore plus inexistant en marionnette des Bene Gesserit. La Guilde est absente et on ne revoit jamais ce pauvre Mentat Assassin Thufir Hawat (Stephen Henderson) qui est complètement coupé au montage et oublié. 

Le rythme me paraît très discutable. La bataille de chute des Atréides dans le premier volet était épique mais la bataille finale de chute des Harkonnens est bâclée très rapidement. Les Sardaukars se rendent immédiatement ou sont massacrés hors champ. L'arc de Paul est trop abrupt, il change quasiment immédiatement de son refus d'être le Messie à une volonté froide de vengeance et de pouvoir après avoir retrouvé Gurney Halleck comme figure paternelle en plus de Stilgar. L'ambiguïté de Paul est certes bien mieux rendue que dans le film de 1984. 

dimanche 24 mars 2024

Retour à Hrafnista

Vous pouvez voir sur cette carte, près du port de l'actuelle Abelvaer (île de Nærøy, vallées des Namdalen, région de Trøndelag dans le Hålogaland, archipel de fjords au nord-ouest de la Norvège), la région qui accueillait au Moyen-Âge la demeure de "Hrafnista", le site des Sagas de la Maison de Chaudron-la-Truite (ou Ketil le Saumon).

Après un voyage en Islande, j'avais écrit des résumés de ces quatre sagas norvégiennes de Hrafnista : (1) Ketil le Saumon (2) Grimr à la Joue Velue, (3) Oddr aux Flèches (la plus connue et la plus longue des quatre), (4) An l'Archer. Comme j'ai absolument tout oublié en 13 ans et que ce Blog stimule souvent ma mémoire, je vais faire un résumé de ces résumés. Ces quatre sagas norvégiennes me semblent avoir plus de magie, d'armes magiques et de Trolls, avec de nombreux voyages en Laponie ou en Russie, et moins de conflits inter-clans que dans la plupart des sagas islandaises où le fantastique est souvent plus discret. Notons que Ketil est l'ancêtre d'Egil, le plus célèbre des héros islandais. 

(1) Ketil (dont le père était demi-lapon) avait été surnommé le Saumon car il avait tué un Dragon qu'il avait pris pour un poisson ayant remonté les rivières. Dans ses voyages au nord, il aida un sorcier lapon à devenir roi et il obtint ainsi en remerciement l'épée magique Dragvendil, trois Flèches forgées par les Nains qui touchaient toujours et revenaient à leur propriétaire, ainsi que la fille troll du sorcier. Elle eut comme enfant avec lui Grimr à la Joue Velue (car il ne pouvait pas raser une de ses joues). Mais Ketil répudia sa femme troll et eut une fille d'un second mariage. Un prêtre d'Odin, Framarr de Suède, vint avoir sa main et celle-ci refusa. Framarr défia alors Ketil en duel. Framarr était censé être invulnérable mais l'épée magique de Ketil le tua et Ketil donna finalement sa fille en mariage au fils de Framarr qui l'avait soutenu contre son père (et c'est de ce mariage qu'est issu An l'Archer). 

(2) Grimr à la Joue Velue, fils de Ketil, avait été fiancé à Lofthaena, fille du seigneur du Vik, mais elle disparut pendant la noce. Il partit à sa recherche et affronta avec les Trois Flèches des femmes-trolls qui dirent qu'il ne pourrait pas la retrouver. Laissé pour mort après un combat, il fut sauvé par une autre Trollesse monstrueuse qui lui demanda de coucher avec elle en payement. Il accepta et elle put ainsi redevenir Lofthaena car c'était là la condition pour qu'elle puisse reprendre sa forme. Elle lui expliqua qu'elle avait été métamorphosé en Troll par sa belle-mère. Il la vengea et ils eurent un fils, Oddr, et une fille. Comme son père Ketil avant lui, Grimr dut affronter des prétendants avec son épée Dragvendil. Il confia finalement son fils Oddr à Ingjaldr (seigneur de Berurjóðr ("La Clairière aux Ours", qui serait peut-être dans la même région même si certains la localise plutôt loin au sud dans le Rogaland). 

(3) Oddr, fils de Grimr, avait hérité des Trois Flèches (mais pas de Dragvandil). Il reçut l'oracle d'une Sorcière qu'il aurait une vie longue mais mourrait à cause de son cheval Faxi. Il tua donc son cheval et l'enterra en croyant avoir évité la prophétie. Il partit en expédition dans le Nord où il affronta bien des Trolls et Géants avec ses Trois Flèches magiques forgées par les Nains. Il s'associa comme Viking à Hjalmar et ils pillèrent les îles britanniques où il obtint comme rançon une tunique qui le rendait invulnérable s'il ne fuyait pas. Oddr et Hjalmar se battirent contre le berserk Angantyr qui portait l'épée maudite Tyrfing (forgée par des Nains prisonniers qui voulaient punir celui qui leur faisait faire cette arme). Celle-ci tranchait n'importe quoi mais se retournait aussi contre son possesseur en déclenchant des catastrophes. Hjalmar et Angantyr s'entre-tuèrent et Oddr les enterra tous les deux avec l'épée Tyrfing (mais Hervor la fille d'Angantyr alla la déterrer, ce qui poursuivit la malédiction de sa famille). Parti chez les Géants et devenu ami d'un certain viking Barbe-Rousse (en fait le dieu Odin), Oddr apprend que son pire ennemi Ögmundr Floki ("à la Touffe") avait été conçu magiquement par un enchantement, fils d'une trollesse. Il le poursuit à travers le monde et celui-ci réussit à tuer le fils d'Oddr qu'il avait eu d'une Géante. Après des aventures en Russie, Oddr dut admettre qu'il ne pourrait jamais tuer définitivement une créature magique immortelle comme Ögmundr Floki et repartit chez lui dans la Clairière aux Ours. Il passa près de l'endroit où son cheval Faxi avait été enterré et un serpent sortit du squelette pour le tuer. 

(4) An l'Archer était par sa mère un autre petit-fils de Ketil le Saumon et donc un cousin d'Oddr. Le frère aîné d'An était Thorir qu'on surnommait Thorir le Thane car Thane était le nom de son épée qu'il avait reçue du Roi des Vallées de Naumdaela. Thorir était resté fidèle au Roi Ingjaldr le Mauvais (fils de celui qui lui avait donné Thane, différent du Ingjaldr qui avait éduqué Oddr) alors que son frère An était devenu un rebelle et un hors-la-loi contre le méchant seigneur en restant caché dans le domaine de Hrafnista. Ingjaldr finit par assassiner son fidèle vassal Thorir pour lui reprendre l'épée Thane et An vengea son frère en tuant le Roi Ingjaldr le Mauvais. 

Epées nommées

L'épée Dragvandil de Ketil le Saumon et Grimr fut transmise à Þórólf Kveldúlfsson (Kveldulf Bjalfason étant un cousin de Ketil Þorkelson un des petits-fils de Ketil), qui l'offrit à son frère Grímr Kveldúlfsson dit Skalla-Grímr qui s'installa en Islande et l'épée passa à son fils Þórólf qui l'offrit à Arinbjǫrn, qui la rendit finalement au célèbre héros Egil Skallagrímsson. [Une version apocryphe bien plus tardive et anachronique prétend même que cette Dragvandil venue de Laponie serait aussi la Durandal de Roland (même si les légendes carolingiennes préféraient y voir une origine troyenne comme l'épée d'Hector).]

Parmi les autres épées nommées des sagas en dehors de Dragvandil et Tyrfing, il y a notamment Skǫfnungr, l'épée du Roi de Danemark du VIe siècle Hrólf Kraki, qui fut enterrée dans son tumulus mais volée après sa mort et qui est transmise en Islande dans d'autres sagas. Elle ne pouvait être tirée du fourreau devant une femme et ne pouvait pas être remise au fourreau sans avoir pris du sang. Dáinsleif (Héritage de Dáin, Roi des Nains) fut l'épée du chef danois Hǫgni et elle donnait des coups qui ne pouvaient jamais être guéris et elle aussi ne sortait jamais du fourreau sans tuer. Les sagas islandaises ont aussi Jǫkulsnautr (Taureau des Montagnes Enneigées) l'épée de Grettir qu'il transmet dans son clan. Gísla a l'épée Grásíða (Gris Côté). Mistilteinn (Gui) fut l'épée que le héros danois Hrómundr Gripsson alla chercher dans le tumulus de Þráinn, ancien Roi de "Vallande" (pays vague qui peut désigner aussi bien le Pays de Galles que l'Empire romain) et qui était gardé par son spectre.