lundi 31 décembre 2012

Résolutions

- Ne plus commencer de posts en 2013 par "Tiens...".

- Peindre au moins un troisième bateau pour mon jeu de Dread Fleet qui attend depuis des mois. Mais il faudra sans doute le faire avant que Mellon ne marche et ne risque de manger de la peinture ou des petites pièces de plastic.

- Jouer plus de deux fois au jeu de rôle (on a fait seulement un Traveller et un Daughters of Exile en 2012, si je me souviens bien).

- Aller voir n'importe quel rebouteux, marabout, charlatan empirique, ostéopathe ou n'importe quoi pour ne plus avoir mal à mon hernie discale et à mon nerf sciatique.

Bonne année 2013 à tous !

Kalevala : Pourquoi le Fer blesse


C'est le chant que racontent les bûcherons dans la terre de Kalevala. Au début, le grand mage et artisan Ilmarinen devint le premier Forgeron. Il captura Rauta (le Fer), qui vivait alors comme du lait répandu sur la terre, fils des Filles des Airs. Il le rapprocha du frère de Rauta qu'il haïssait plus que tout, Tuli (le Feu) et commença à le faire fondre.

"Je t'en supplie, arrête, ne me soumets pas à mon frère honni Tuli ! J'ai trop mal sous sa flamme. J'exaucerai n'importe lequel de tes voeux, mais ne me mets pas au Feu."

"D'accord, Fer dur et froid. Voilà mon voeu. Je vais soigner tes blessures et en échange tu me feras ce serment magique qui t'engagera à jamais : dès que je t'aurai soigné, tu jures que jamais tu ne frapperas la chair humaine et que tu ne serviras qu'à abattre les bois des arbres."

"Je t'en fais serment, Forgeron Ilmarinen. Mais vite, je souffre."

Alors Ilmarinen fit venir une abeille et lui demanda d'apporter du Miel qu'il aurait répandu sur le Fer. Mais le maléfique Hiisi, le Roi des mauvais génies et des gobelins, avait entendu leur conversation. Il fit remplacer la petite abeille par un méchant frelon et il lui donna à la place du Miel du Venin de serpent.

Quand le frelon revint, Ilmarinen ne vit pas la substitution du Venin à la place du Miel et quand il mit l'onguent sur le Fer, celui-ci gémit et hurla de souffrance.

"Vil et perfide Forgeron ! Tu m'as trahi ! J'ai encore plus mal. Je frapperai les hommes et ils croiront que je suis leur instrument mais ils périront sous mes coups, plus cruellement que sous ceux d'aucun loup ou d'aucun accident. Ils maudiront le jour où tu as forgé le premier Fer !"

Et c'est ce que racontent encore aujourd'hui les bûcherons, dans la terre de Kalevala.

Giannirateur sur Tékumel


Si vous avez suivi un peu les blogs de jeu de rôle, vous le savez déjà : Zak a proposé depuis quelques temps d'utiliser sa bibliothèque au hasard comme source d'inspiration, Gianni en a fait le Giannirateur de Scénario, Imaginos l'a développé pour éviter certaines répétitions, et Greg en a fait une version campbellienne plus spécifiquement gloranthienne (en intégrant le schéma universel du "Parcours du Héros").

Je manque de temps aujourd'hui pour tester le Parcours entier  d'une campagne à la Joseph Campbell mais je vais quand même tenter volontairement de me limiter à une seule gamme, même si Imaginos fait remarquer que le choc de plusieurs mélanges fait souvent le sel de cette génération aléatoire. Je prends donc mes 20 livres sur Tékumel (en comptant aussi les romans). Il y a déjà des générateurs de lieux dans Growing Up on Tékumel p. 3 mais je ne les utiliserai pas ici directement.

1 Action
13 Créer / Fabriquer / Bâtir

2 Premier PNJ
Deeds of Glory, Vol. 1 p. 11 : Pas de PNJ cité mais "Shrà : yellow berries from the states of the North-east, causes mystical visions and "meetings with the gods". Lasts 3 hours".

3 Localisation
Tékumel Sourcebook vol. 1 p. 23 "the promenade of blue basalt called Sky Wind", à Béy Ssü.

4 Personne ou Objet comme Objectif
A Jakallan Intrigue p. 15 Oqú le Marionnettiste

5 Un autre PNJ comme Antagoniste
Seal of the Imperium, p. 20 : Un chef N'lüss

6 Une autre Localisation de Confrontation
Tékumel p. 40 : Le Quartier des étrangers où aucune personne de bonne famille ne saurait se compromettre.

7 Quelque chose d'intéressant
Growing up on Tékumel p. 41 : Collectionner les Essences et les Parfums.

Je vais m'aider aussi de la liste de prénoms et des dix grandes Maisons (tirées avec 1d10). Voici le résultat, la Fragrance de la Déesse Verte, inspiré du Parfum de Patrick Süskind.

Donc, dans le quartier aristocratique et les hautes murailles du Vent Céleste, les PJ sont invités par un noble débauché, Changékte hiBurútla (du Clan du Diadème de Jade). Il est voué à la Grande Déesse Verte Dlamélish et il a eu l'impression de sentir son effluve céleste dans une vision orgasmique, sous l'effet des baies si rares du Shrà. Il a fait venir les PJ pour qu'ils fabriquent ce Parfum divin de la Déesse des Plaisirs, dont il a rêvé des éléments. Il énumère plusieurs drogues et plantes accessibles dans des bois aux alentours mais cela nécessite aussi les senteurs des bois laqués dont sont faites les étranges marionnettes animées d'Oqú. Si un PJ est un non-humain (par exemple un Pachi Lei, créature végétale), son odorat est peut-être même un avantage.

Ce que les PNJ ignorent est que ce parfum inclut aussi le sacrifice de plusieurs femmes, dont une vierge dédiée à Dilinála la Pucelle, pour s'approcher de l'expérience qu'il a ressenti.

Mais en cherchant ce sorcier Oqù, les PJ vont découvrir qu'un chef N'lüss, Drek, dans le Quartier des Etrangers de Bey Ssü, a déjà engagé ce marionnettiste pour faire tuer par ses petits objets assassins un de ses ennemis dans le culte de Vimúhla. Drek, s'il apprend ce que les PJ ont fabriqué, serait sans doute très réjoui de pouvoir faire brûler ce parfum pour l'offrir au Dieu de la Destruction enflammée. Et il n'est pas sûr qu'Oqù soit prêt volontairement à offrir un de ses "enfants" pour le parfum de Changékte hiBurútla.

Mythe post-apo


Un des mythes les plus universels est les histoires de Déluge, ou parfois comme dans Sodome & Gomorrhe, de pluies de feu, mais je ne connaissais pas vraiment de légendes où l'Humanité se réfugie sous la terre, comme dans de nombreux jeux de rôle (par exemple Earthdawn, ou certains mythes dara happiens sur Glorantha).

Mais dans le zoroastrisme à l'époque achéménide (donc vers le VIe ou Ve siècle avant notre ère), voici un extrait du Vendidad (dans les livres sacrés des Avesta) avec une Arche sous la Terre, II, §§20sqq (version un peu abrégée) :

Et Ahura Mazda dit à Yima : "O noble Yima, fils de Vivanghat ! Les Hivers maléfiques du Démon Mahrkûsha vont s'abattre sur le Monde matériel et vont apporter le gel terrible et mortel, les flocons de neige recouvriront les plus hautes montagnes. Toutes les bêtes sauvages devront trouver un abri sous la terre. Il y aura encore du pâturage avant cet Hiver terrible mais après les froids, on ne trouvera plus aucun sabot de bétail sur le sol.

Construis donc un grand Enclos d'une lieue et mets-y les moutons, les vaches, les chiens de berger, les oiseaux et les divers Feux sacrés, un couple de chaque. Construis-y de grands réservoirs d'eau long d'un mille. Garde les graines de chaque arbre et de chaque fruit, de chaque fragrance. Installe les germes des meilleurs hommes et femmes que tu trouveras et aucun ne devra avoir les marques physiques ou morales frappées par le maléfique Angra Mainyu, aucun ne sera pécheur, ni fou, ni invalide ou impuissant pour le futur de l'Humanité. L'enclos sera composé de neuf rues et tu y répartiras les trois classes sociales. Tu feras cet enclos en foulant le sol de ton talon comme le potier forme l'argile. Et tu scelleras cet enclos d'un anneau d'or, et tu feras une porte avec une seule fenêtre translucide."

Yima fit comme il lui avait été dit. (...) Mais il demanda alors : "Ô Créateur de l'Univers, Ô Saint, quelles seront alors les lumières pour éclairer notre Enclos pendant ce Long Hiver ?"

Et Ahura Mazda lui répondit : " Il y a des lumières créées et des lumières incréées. Vous ne verrez plus les lumières des étoiles, de la lune et du soleil et pour vous une année passera comme un jour comme vous n'aurez plus le temps du soleil."

Et les meilleurs êtres humains survécurent ainsi sous la terre, dans l'Enclos de Yima, jusqu'à ce que l'Oiseau céleste Karshipta descende des cieux pour apporter sous la terre la nouvelle que l'Hiver était terminé et qu'il fallait ressortir adorer la Lumière d'Ahura Mazda. Il vint réciter les Avesta aux mortels et ainsi Zarathustra put faire renaître le culte d'Ahura Mazda.


Le texte est riche d'éléments de Science-fiction. Non seulement on y a un abri anti-atomique, mais même un plan d'Eugénisme et un passage qui semble presque évoquer une cryogénie dans la relativité du temps passé sous ce Dôme ("un an semblera un jour"). Je ne comprends pas combien de générations s'y passent (il y est dit qu'une génération passait tous les 40 ans) mais ils ont quand même besoin que Karshipta vienne leur ré-expliquer le culte.

Ce Yima zoroastrien, fils de Vivanghat (qui devient le roi Jamshid dans le Livre des Rois beaucoup plus tard), est une sorte de Noé chthonien, qui construit une Cité sous-terre à la place d'une grande arche, mais il vient en fait du Yama hindou, fils de Vivasvat le Dieu soleil. Yama est le premier mortel et ensuite le Dieu des Morts sous la terre, qu'il ne quittera plus jamais, alors que le Yima zoroastrien doit permettre ensuite à l'Humanité de ressortir de ce Paradis des élus (sauf si on interprète le temps du mythe comme une sorte d'éternel retour qui annonce aussi un Paradis à venir et pas seulement une Arche dans le passé).

Shuǐhǔ Zhuàn en liánhuánhuà


J'ai reçu pour les fêtes de Newton de fin d'année l'adaptation complète en 30 volumes (3776 pages) de cette saga chinoise, chez Fei au format liánhuánhuà de Shanghai. J'ignore si Jean-David Morvan et Wang Peng vont avoir le courage de continuer leur propre adaptation d'Au bord de l'eau chez Delcourt (leur volume 2 correspond à peu près au volume 2 de cette version complète).

J'ai l'impression (après n'avoir lu que trois volumes, soit seulement 10%) que la version de Shanghai, plus détaillée, a une tendance à moins développer le surnaturel que celle de Morvan (le thème des 108 démons réincarnés dans le premier chapitre a été simplement retiré). On est même pour l'instant dans un relatif "réalisme".

L'adaptation entre souvent plus dans le registre du texte illustré que dans la vraie "bande-dessinée" mais il y a aussi des phylactères (avec un ordre parfois difficile à deviner) et certaines cases s'enchaînent parfois dans une véritable narration. Chaque volume a un dessinateur différent, ce qui donne un effet parfois assez saisissant entre le minimalisme épuré et presque abstrait de Ma Cheng (volume 2) et le côté plus baroque d'autres illustrateurs. Les personnages peuvent donc changer d'un tome à l'autre, mais les illustrations sont quand même assez précieuses pour distinguer rapidement de qui il s'agit. (D'ailleurs, je n'avais pas autant pensé avant à Gérard Depardieu pour jouer le Moine truculent et picoleur Lu Zhi Shen "Sagesse Profonde", "Moine Fleuri").

Cartographie du début

Ce qui manque un peu à mes yeux est une carte ou quelques notes de bas de page en dehors de la présentation des personnages principaux.

On commence à la cité de Dong Jing (l'actuelle Kāifēng au centre du Hénán, Capitale impériale de la Dynastie Song, on est sous le règne de Huizong, 1082-1135, l'avant-dernier Empereur de cette dynastie).

Puis on part plus à l'ouest en amont du Fleuve Jaune, dans les plaines de la province du Shǎnxī où vit Shi Jin "le Dragon aux Neuf Tatouages", qui s'en va ensuite plus au nord de la province vers Yán'ān. Google ne me permet pas d'identifier la ville de "Yan Men" où Lu Zhi Shen passe (je ne crois pas que ce soit la même chose que la Passe de Yanmenguan ?).

Mais ensuite le "Mont aux Cinq Terrasses" où Lu Da devient le moine Lu Zhi Shen est le Mont Wǔtái au nord de la Province voisine du Shānxī (à ne pas confondre avec le Shǎnxī). Le Mont Wǔtái est l'un des Quatre Monts Sacrés du Bouddhisme chinois avec les Monts Pǔtuó au sud-est dans le Zhèjiāng, les Monts Éméi au sud-ouest dans le Sìchuān et les Monts Jiǔhuá à l'est dans l'Ānhuī.

La ville où le malheureux Instructeur Militaire Lin Chong ("Tête de Panthère") est exilé "préfecture de Cang" doit être Cāngzhōu, sur la côte au nord de l'embouchure du Fleuve Jaune, dans la Province du Héběi.

La suite du roman se déroulera finalement surtout dans les marais du Mont Liáng, juste au sud du Héběi, dans la Province du Shāndōng (mont indiqué dans la carte Google ci-dessous par la lettre G).


dimanche 30 décembre 2012

Reckonings


Demain sera le Jour des Femmes de l'An 224 Après la Grande Crise Moderne dans le calendrier positiviste d'Auguste Comte (un des jours intercalaires après le Jour des Morts aujourd'hui). Dans la conception positiviste, la nouvelle science appelée "Physique Sociale" (ou "sociologie") devait diriger les communautés mais il leur fallait aussi continuer un culte semi-religieux pour maintenir le lien social entre individus, culte de l'Humanité mais aussi du "principe féminin" comme complément charitable, émotif et compensation de l'autorité sociale et scientifique que Comte pensait plus "masculine". C'est un peu une conception de directeur d'hôpital du XIXe siècle où le monde se réduirait à des savants et des infirmières, des Louis Pasteur et des Florence Nightingale.

Rien de spécial en revanche dans le calendrier révolutionnaire républicain, comme le début d'année est en fin septembre. Si je ne me trompe pas et s'il n'y a pas eu trop de décalage, ce doit être demain le 10 Nivôse de l'An 221 du Calendrier révolutionnaire, qui est le jour du Fléau (l'instrument pour battre le grain, rien de sinistre là-dedans).

Mais si nous ne prenions qu'une seule chose aux Hobbits, ce ne serait probablement pas leur alimentation ou leur tabagisme, mais leur calendrier. Leur année a déjà commencé depuis le solstice d'hiver de la semaine dernière et nous sommes donc déjà aux alentours du Sterday 7 Afteryule de la nouvelle année.

lundi 24 décembre 2012

Ducktapus



Ce Canard peut avoir l'air innocent (surtout avec ce bonnet). C'est un hochet de la compagnie Lilliputiens nommé "Nicky le Canard", qu'a reçu Mellon.

Il fait un léger bruit de grelot et quand on lui serre le bec, il est censé faire coin coin - mais la boite à bruit n'a tenu que deux ou trois fois et il lance plutôt un couinement étouffé qui pourrait aussi bien être wgah'nagl fhtagn. Mais si on le regarde de plus près, son ventre sphérique orange, qui pourrait évoquer une sinistre citrouille, contient un petit poisson cyclope, qui envoie ce léger son de crécelle de pestiféré ou de bouffon. Le poisson peut sortir du ventre, qui n'est pas vraiment solide mais un maillage de cinq tentacules, à la manière d'une sorte de parasite xénomorphe jaillissant des intestins (Internecivus raptus acheronsis). Mais le poisson reste attaché au ventre et il y retourne une fois qu'il a capturé sa propre proie, comme une sorte de monstrueux proboscis amovible.

Cette chose est donc plus inquiétante qu'elle n'en a l'air.

Un fan de Glorantha aura reconnu le terrifiant Ducktapus.

Quand le nécromancien et expérimentateur fou surnommé le "Remodeleur" ou Corpus Delecti, vint s'installer dans les îlots maudits du Marais des Hautes-Terres, il prit un Broo-Durulz qu'il fit s'accoupler avec un Walktapus (Malapsyche hybridus). Le résultat est le Père des Monstres, le Canard-Pieuvre, il a ce bec d'avian caractéristique des Durulz (Anathanthropos donaldi) et un corps avec des tentacules qui peut produire divers créatures autonomes au lieu de les digérer.

Ayez crainte...


Craignez le Ducktapus !




A peu près


Phersu :  Comment va son euthydème ?

Armide : Pardon ? Son Euthydème ?

Ph. : Heu... son enthymème ? Son... énanthème ?

A. : Le dernier serait moins hors-sujet mais je crois que tu pensais à un érythème, de ἐρυθρός.

Ph. : Heu... j'imagine qu'il va bien bien, donc.

Les XIII Jólasveinarnir


En Islande, le calendrier traditionnel de l'Avent n'avait pas de Père Noël mais 13 méchants trolls appelés les Jólasveinarnir, les "Gars du Solstice" (ci-dessus dans des timbres islandais). La Géante et Sorcière Grýla, qui vit dans les Bourgs Noirs (des formations de lave dans le nord de l'Islande, près du Lac Mývatn, le "Lac aux Moustiques"), est leur mère. Grýla a des pattes et une queue de bouc et possède un Chat noir géant (peut-être une allusion à ce conte dans le Gylfaginning où le dieu Þórr a du mal à soulever un gros Chat qui est en réalité le léviathan Jǫrmungandr métamorphosé par le Géant Útgarða-Loki).
Chaque jour de décembre jusqu'au 24, la Sorcière envoie chez les mortels un de ses 13 enfants trolls pour venir voler la nourriture des enfants : Stekkjastaur, Giljagaur, Stúfur, Þvörusleikir, Pottaskefill, Askasleikir, Hurðaskellir, Skyrgámur, Bjúgnakrækir, Gluggagægir, Gáttaþefur, Ketkrókur et enfin, le 24 décembre, Kertasníkir (le "Voleur de Chandelles"). Chacun de ces petits gobelins maléfiques a une spécialisation dans le vol de victuailles ou d'ustensiles de cuisine.

Je comprends mieux pourquoi ce pauvre Bilbo est si inquiet devant l'arrivée de ces treize nains pique-assiettes que sont Fili, Kili, Oin, Gloin, Bifur, Bofur, Bombur, Dori, Nori, Dwalin, Balin, Dain & Nain (plus le quatorzième Þorin Oakenshield).

Saint Cuthbert contre Saint Nicolas


L'historien du jeu de rôle Jon Peterson (auteur du récent Playing at the World) a retrouvé une lettre fascinante, une carte de "Noël" écrite à la machine par Gary Gygax en 1969. Il a alors 31 ans et est un des membres actifs de la "Fédération Internationale de Wargame", un club de la région des Grands Lacs.

Il était à l'époque Témoin de Jéhovah et sa carte est fascinante dans son absence d'humour et son sérieux maniaque qui rappelle son "formalisme" d'inventeur de règles. Gygax y explique qu'un vrai Chrétien ne doit ni ne peut fêter la prétendue nativité de "Noël" comme ce n'est qu'une fête païenne et idolâtre reprise par les Catholiques (même si les premiers Témoins de Jéhovah au début du XXe siècle ont été partagés sur cette question).

Cette lettre devait donner un effet particulièrement réussi à ses correspondants qui venaient de lui envoyer leurs cartes. Ce site critique sur les Témoins de Jéhovah précise les infractions principales de cette interprétation "arianiste" du Christianisme :
Jehovah’s Witnesses can be disfellowshipped for a number of rule violations: premarital or extramarital sex, using alcohol excessively, using tobacco products, celebrating Christmas, reciting the pledge of allegiance, lying, stealing, joining the military, speaking to a disfellowshipped Witness, reading religious material not published by the governing body, or running for political office just to name a few.
(...)
Jehovah’s Witnesses are not allowed to celebrate Christmas, birthdays, Easter, Thanksgiving, or any other holidays, claiming they all have pagan roots.


Gygax est resté assez discret sur sa religiosité et lorsque D&D a été attaqué pour "satanisme" par certains évangélistes, il n'a pas vraiment essayé de le défendre selon ses anciennes références bibliques - le Christianisme explicite paraît remarquablement peu présent par la suite quand on pense au renouveau évangélique américain du dernier quart du XXe siècle.

Il faut dire que Gygax fut lui-même "excommunié" (disfellowshipped) des Témoins de Jéhovah peu de temps après cette carte, notamment parce qu'il n'arrivait pas à s'empêcher de fumer (sa première femme, très dévouée à la cause religieuse, Mary, dont il divorça vers 1983, avait à cette époque tenté en vain de lui faire abandonner le tabac, les cheveux longs et les wargames). Son ancienne Eglise s'associa ensuite à la condamnation de ce hobby comme diabolique.

mardi 11 décembre 2012

Deux "Bacs à sable" Traveller


Avant qu'il n'y ait l'Official Traveller Universe de l'Imperium, Traveller poussait vraiment à créer son propre cadre de campagne original qu'on pourrait mieux s'approprier (même s'il y a certains présupposés technologiques du voyage spatial ou de l'armement qui sont déjà pré-déterminés par le système du jeu). Je connais peu de gens qui ont le courage de faire à nouveau de même mais je ne peux qu'admirer l'énergie de ceux qui le tentent (j'aurais pour ma part du mal à renoncer à certains des éléments de l'OTU, comme certaines des races Aliens qu'il serait difficile de séparer du contexte d'origine).





  • Flynn est en train de développer sa campagne Traveller de mercenaires dans son "Quadrant Beta" (sous-secteurs C, D, G, H). J'aime bien certains des noms des mondes qu'il a choisis, avec des zones japonaises (sous-secteur de Koyane), coréennes, indiennes (un peu comme l'Empire Ramayan du secteur Maranantha-Alkahest), gaéliques, babyloniennes ou égyptiennes (ok, c'est peu "réaliste" mais cela donne une onomastique amusante). En revanche, les noms scandinaves me semblent déjà trop utilisés dans de nombreux univers fictifs. Chaque monde reçoit aussi quelques petits détails culturels aléatoires en plus des caractéristiques UPP habituels.


  • Barry B. de l'excellent blog Expanded Universe va beaucoup plus loin en modifiant certains des présupposés de base pour son "secteur Aquila".

    1 La cartographie passe en 3D, comme dans la plupart des autres jeux SF. La représentation 2D de Traveller peut certes être justifiée comme une simplification abstraite ou un diagramme schématique de type "Métro" qui projetterait les distances sur une carte plate, mais elle demeure un défaut pour s'immerger dans une atmosphère de science-fiction.

    2 Il n'y a ni non-humains, ni pouvoirs psi, ni Empire (même au niveau planétaire les mondes sont très balkanisés). C'est donc plus nettement "Hard SF", peut-être plus à la Diaspora. On joue donc des Eclaireurs sans aucun service impérial unifié des Scouts.

    Il a mis en place un Wiki KnownSpace 2312, mais les premiers noms de mondes choisis ne sont pas encore très originaux.
  • Le Guide de Glorantha



    Une des grandes nouvelles en jeu de rôle depuis ce dernier mois où je n'ai rien écrit sur ce blog a été à mes yeux ce Guide Atlas de Glorantha (à paraître en février 2013). Le monde fictif avec la meilleure mythologie va ainsi devenir aussi celui qui aura l'atlas historique et géographique le mieux développé, dépassant ainsi sans doute tous ses concurrents.

    La petite compagnie de Moon Design (qui ne compte guère comme membres à part entière que Jeff Richards et Rick Meints, si j'ai bien compris) avait besoin de $36 500 pour lancer ce grand Atlas et ils ont obtenu ce premier pré-financement dès le premier jour de la mise en ligne, atteignant à l'heure actuelle près de cinq fois plus, $170 000 alors qu'il reste encore une petite semaine avant la fin de cette campagne. On atteindra donc peut-être le seuil des 200k (on est certes encore loin du wargame Ogre qui a eu près d'un million ou du nouveau Traveller 5e qui avait obtenu 300k).

     Il y a à l'heure actuelle 855 personnes inscrites, ce qui signifie qu'en moyenne chacun a été prêt à payer 200$ (sans compter les 25$ de frais de port pour l'Europe), une poignée étant allé jusqu'à la somme de 3000$ pour avoir accès à une édition des notes personnelles du créateur Greg Stafford.



    Le succès imprévu de cette "levée de fonds" fait que le Guide a augmenté en taille (deux volumes au lieu d'un) et vous avez donc encore plus intérêt à vous intéresser au minimum à une version PDF (Niveau Membre Laïc pour avoir seulement le PDF de l'Atlas de 96 pages à 12$, Niveau Scribe à 35$ pour le PDF du Guide - le Niveau Nain à 50$ fournit les deux PDF plus une collection d'illustrations). En revanche, les versions papier sont nettement plus chères et il faut au moins promettre 100$ (Niveau Daemon +frais de port) pour avoir les deux, ce qui effectivement assez hors de prix, comme le disait Imaginos.

    Le Guide est loin de n'être qu'une sorte de synthèse de ce qu'on savait déjà dans les nombreux suppléments déjà parus. Il semble bien que la vision du monde de Glorantha sera à nouveau modifiée dans de nombreux détails, ne serait-ce que par l'importance nouvelle donnée à des illustrations de qualité qui doivent stabiliser les représentations de cet univers en abandonnant de nombreuses analogies trop directes avec notre monde réel.

    jeudi 15 novembre 2012

    [JDR] Fins de jeu



  • Quand je jouais régulièrement à Runequest (2e), je regrettais un peu l'absence de "points d'expérience" pour "guider" les joueurs. Comme les joueurs ont une tendance à chercher l'optimisation des personnages, l'inflation en puissance et comme les récompenses monétaires étaient nécessaires pour acheter des sortilèges ou acquérir de l'entraînement, ils devenaient donc vite obsédés par l'argent (le symptôme était qu'ils fouillaient toujours les corps pour ramasser quelques pièces, ce qui les réduisait à de médiocres pillards ou vautours). Certes, certains Cultes religieux de RQ pouvaient déjà limiter cet effet mais je craignais que le système même ne les pousse à devenir des mercenaires peu héroïques qui auraient refusé toute quête désintéressée. De ce côté-là, les autres éditions de RQ ou d'Heroquest, où les personnages sont plus insérés dans leur société au lieu d'aventuriers isolés, ont bien corrigé ce défaut (au point que l'argent n'est plus qu'une abstraction sans grande importance dans Heroquest).

    Mais tout dépend bien entendu du style de jeu désiré dans une campagne. Les jeux de superhéros doivent bien entendu nier tout rôle de l'argent (c'est pourquoi les Points de Karma sont si bien faits dans Marvel Superheroes, comme mélange d'expérience, de points de chance et de "contentement socio-spirituel").

    Mais Evan rappelait cet été que Mike Mornard (le célèbre vétéran Old Geezer) dans ses premières campagnes faisait intentionnellement l'inverse et augmentait la valorisation de l'argent. Il ne donnait aucune récompense en points d'expérience pour tuer les monstres (!) mais uniquement pour l'or recueilli. Ainsi, les joueurs se montraient bien plus prudents et rusés, évitaient les risques inutiles en cherchant à optimiser les récompenses avec le moins de combats possibles. Cela favorisait un type de récit picaresques avec des Tricksters à la Souricier Gris ou Cugel l'Astucieux à la place de l'épopée à la Beowulf. Un combat devenait même parfois une sorte de signe d'échec et les aventuriers étaient plus des cambrioleurs habiles fuyant la confrontation.

  • Earthdawn avait proposé - si je me souviens bien - un système d'expérience très "héroïque" (les "Points de Légende") où la réputation comptait plus que les simples réalisations. Cela n'avait rien de réaliste mais il était plus important de rendre ses actes célèbres et d'en faire grandir l'image auprès d'un public. De manière post-moderne (à la Unforgiven), le "héros" doit être un propagandiste de son héroïsme. Cela risquait d'augmenter la forfanterie des personnages-joueurs mais cela valorisait aussi une sorte de gestion de sa propre Légende dans les fameuses auberges entre les aventures. Vous aviez intérêt à devenir conteurs et bardes (ou bien à en entretenir certains) si vous vouliez devenir de vrais héros.

  • A Thornton va jusqu'à dire que D&D devrait plus refuser "l'insertion sociale" qu'il ne le fait déjà. Il propose une fin de jeu allant vers le renoncement au pouvoir social acquis localement, l'aventurier comme pur nomade sans attache ou le Lucky Luke allant "au-delà du Soleil Couchant", comme Ulysse fuyant Ithaque ou Jason cherchant l'infinité ouverte de l'inconnu :
    I hope we can mostly agree that D&D is an American myth. It's the American myth, in fact, which is the Western, and which kinda resembles the Christianization of Europe in some ways: it's about carving order and domesticity out of the howling wilderness, about taming the frontier. So far, so Gygax.

    But after he's made the town safe again, the Man With No Name doesn't settle down there and plant a garden and get married and get old and die. Oh no. Instead, he leaves again; in fact, he's driven out, because there's no role for him in the society he has created.

    This gets right at the heart of the core paradox of American self-identity: we have this myth of the rugged frontiersman individualist. And that's great, but it's no way to run a civil society, so the society comes with its own baked-in distrust of itself right in its founding myth.
  • Distinguons les fichiers d'acteurs


    Je souffre d'une forme faible de syndrome de Fregoli sur les acteurs et je tends à tous les identifier (un peu comme les gens de TotallyLooksLike) . J'avais déjà dit que j'assimilais Julianne Nicholson et Nicole deBoer mais je viens de me rendre compte que je crois depuis une douzaine d'années que Donald Moffat (né en 1930, qui jouait par exemple l'androïde dans la série Logan's Run) et James Cromwell (né en 1940, qui jouait par exemple George H.W. Bush dans W). Il se peut même que je l'aie déjà découvert et oublié plusieurs fois - la vieillesse est un naufrage.

    Moffat

    Cromwell

    Mais je vois que c'est en réalité dans ce cas précis une confusion fréquente (comme confondre Zooey Deschanel et Katy Perry).

    lundi 12 novembre 2012

    Überfolks

    Une vieille rumeur dit qu'Alan Moore se serait énormément (et peut-être inconsciemment) servi pour Marvelman, Watchmen ou Twilight of the Superheroes d'un obscur roman parodique de 1977, Superfolks, de Robert Mayer (sur un double de Superman, dernier superhéros dans un monde où ils ont tous dégénéré ou disparu). Aujourd'hui l'érudit Pádraig Ó Méalóid essaye de défendre Moore contre ce soupçon de plagiat et malgré tous ses arguments détaillés sur des différences ou des influences parallèles, sa plaidoirie me semble finalement renforcer la thèse d'une influence au minimum inconsciente (que Moore a d'ailleurs reconnue dans une interview, contrairement à ce dont se plaint Robert Mayer). Cela n'enlève rien à ce que Moore en a fait, transformant une parodie sur les mass-media en des méditations plus élégiaques sur notre rapport au pouvoir.

    samedi 10 novembre 2012

    There are real knowable facts

    Rachel Maddow arrive à des thèses métaphysiques comme l'énoncé du titre dans sa critique de Fox News et des Républicains.



    Ohio really did go to President Obama last night. And he really did win. And he really was born in Hawaii. And he really is legitimately President of the United States. Again. And the Bureau of Labor Statistics did not make up a fake unemployment rate last month. And the Congressional Research Service really can find no evidence that cutting taxes on rich people grows the economy. And the polls were not skewed to oversample Democrats. And Nate Silver was not making up fake projections about the election to make conservatives feel bad. Nate Silver was doing math. And climate change is real. And rape really does cause pregnancy sometimes. And evolution is a thing! And Benghazi was an attack ON us, it was not a scandal BY us. And nobody is taking away anyone's guns. And taxes have not gone up. And the deficit is dropping, actually. And Saddam Hussein did not have weapons of mass destruction. And the moon landing was real. And FEMA is not building concentration camps. And UN election observers are not taking over Texas. And moderate reforms of the regulations on the insurance industry and the financial services industry in this country are not the same thing as Communism.

    vendredi 9 novembre 2012

    Controverses pédiatriques


    En procrastinateur certifié, j'avais tendance à ne jamais aller chez le médecin et à feindre de croire que la Nature serait toujours le meilleur des soins. Ma mâchoire désormais entièrement cyborg semble démentir cette croyance. Le fait que je n'envoyais jamais non plus les remboursements avant la Carte Vitale limitait aussi mes éventuelles excentricités d'hypocondriaque.

    Mais le fait d'avoir à présent un enfant me contraint à ne plus différer ces consultations.

    Respirer
    Le petit Mellon a déjà été hospitalisé pour cinq jours dès son premier mois pour une bronchiolite (30% des nourrissons l'attrapent pendant leurs deux premières années mais avant trois mois, c'est moins bénin - l'épidémie du Virus semble exploser et doubler chaque année depuis une douzaine d'années).

    Cela a déjà donné l'occasion à de multiples battages de coulpes comme il y a des chances que nous lui ayons transmis le Virus Respiratoire Syncytial (VRS) nous-mêmes dans un cocktail contagieux de nos toux, puisqu'il ne va pas encore en Collectivité et que notre vie hivernale est d'habitude scandée par la succession de nos rhinites. Les manuels de pédiatrie nous disent de maintenir une température de seulement 18°-19°, ce que je trouve quand même assez frigorifié parfois. Et l'appartement commence à ressembler à la chambre d'hôtel de l'ultime Howard Hugues comme nous portons des masques et nous mettons du gel anti-bactérien même sur les clenches de porte.

    Nous avons donc dû absorber rapidement l'apprentissage d'acronymes et nous mettre en stage accéléré de premiers secours de puériculture.

    "Vous lui avez fait une déhairpé ?"
    "Une quoi ?"
    "Ah, je vois, vous êtes cette sorte de parents... Une Désobstruction Rhino-Pharyngée avec sérum physiologique. Il faudrait peut-être vous intéresser à la santé de votre enfant, vous savez ?"

    Bon, j'exagère à peine.

    Depuis, nous déconstruisons, débouchons, décongestionnons, désencombrons, désobstruons donc la pharyngocentrisme avec componction (même si certains sites Web parano qui fourmillent sur Internet ont réussi à me faire peur que cela puisse parfois provoquer des otites).

    L'hospitalisation a été une succession de Sceptiques pires que toutes les hypotyposes de Sextus Empiricus.

    On lui a donné des "aérosols" (simplement du sérum salé) mais une praticienne nous a dit qu'il y avait de sérieux doutes sur l'efficacité de cette méthode. Nous n'avons pu ni la démentir ni la conforter et je commençais donc à redouter que ce prétendu air marin ne puisse avoir des effets indésirables.

    De nombreux parents m'ont dit qu'il faudrait de la Kinésithérapie Respiratoire avec "A.F.E." (Accélération du Flux Expiratoire,une méthode qui ne date que des années 1990 mais qui semble avoir acquis une sorte d'autorité surnaturelle sur tous les hôpitaux français à la place du clapping thoracique et drainage postural antérieur). Il y a même des affiches dans les offices de Protection Maternelle et Infantile avec le slogan triomphant pour la corporation "La bronchiolite, c'est kinésithérapique" avec le numéro d'une sorte de SOS Kiné "d'Urgence" à Domicile, la SUK.

    Certains pédiatres préconisaient la Kinésithérapie Respiratoire comme une évidence mais le chef de service (qui n'était certes pas lui-même en pneumo), très remonté, nous a rappelé les trois arguments contre cette pratique si répandue (arguments qu'on trouve par exemple sur ce célèbre article de la revue Prescrire) :

    (1) la kiné respiratoire est efficace à court terme mais nécessite ensuite de recommencer, elle n'a pas d'efficacité supérieure à une Aspiration artificielle par exemple.
    (2) Elle n'a aucune efficacité médicale prouvée et n'est pas pratiquée en dehors des pays francophones (ce site belge prend bien soin de prendre ses distances vis-à-vis de la mauvaise kiné française)
    et (3) il y aurait des risques non-anodins de ruptures de côtes. La revue parle d'un cas sur mille (dont certains cas non-détectés), mais les Kinésithérapeutes répondent que ce chiffre est trop élevé comme ils soignent plusieurs centaines de milliers d'enfants avec bronchiolite chaque année en France, ce qui donnerait donc des centaines de traumatismes alors qu'on ne cite qu'une poignée de cas.

    Dans le doute et dans l'ignorance, primum non nocere et il n'y a donc pas eu de Kiné Respiratoire (il est vrai que nous n'y étions pas forcés et que la division de l'autorité nous a renforcés dans la voie de la suspension du jugement).

    Mais cela rappelle encore que même si nous ne sommes plus à l'époque des escrocs de Molière, notre confiance dans l'art médical, l'art-roi de nos époques anxieuses, est encore très fragile. Les triomphes de la science médicale fondée sur des faits et des preuves n'empêche pas une suspicion généralisée sur des anomalies. Une pratique peut être majoritaire et préconisée tout en étant honnie par certains médecins (je ne mentionne pas les sites bizarres comme ceux qui lui attribuent tous les maux et même de causer l'asthme qu'elle est censée éviter).

    Digérer
    Quand nous sommes rentrés de l'Hôpital, nous avons suivi certains des conseils alimentaires du pédiatre Philippe Grandsenne dans Bébé, Dis-Moi qui Tu Es (en gros, nourrir à la demande, l'enfant s'auto-régulera et trouvera son propre rythme individuel, du moins c'est un des éléments que j'avais cru retenir) et un autre pédiatre a expliqué que nous alimentions aussi par cette fragmentation les Coliques du nourrisson (car la Nature, dans son aveugle et navrante absence d'optimum téléologique, n'a même pas jugé utile de finir les intestins des enfants avant trois mois) si nous ne laissions pas 2h30 pleines sans aliments nouveaux.

    Tout en-cas intercalé aggrave donc encore les Coliques qui auraient lieu de toute manière et qui font tant hurler les nourrissons sans que la science médicale ait rien trouvé pour l'instant pour l'empêcher.

    La journée devient maintenant chronométrée pour vérifier les temps de digestion. Et si l'enfant a la mauvaise idée de s'éveiller trop tôt ou de ne pas dormir du tout, on essaye de faire la soudure avec un biberon d'eau s'il crie avant les 2h30 consommées. Cela donne un peu l'impression d'être des horlogers improvisant autour d'un mécanisme qui nous dépasse, ou des Sisyphe qui doivent ruser avec la faim de Tantale.

    mercredi 7 novembre 2012

    Ganesh against the Nazis!


    Quelqu'un devrait vraiment en faire un comic ou un jeu entier (via reddit).


    Certes, l'Inde de Gandhi préférerait peut-être rester neutre pour ne pas soutenir l'Empire britannique mais Gaṇeśa le Destructeur-d'Obstacles est un fils de Śiva et frère de Skanda, il n'a pas de code d'ahiṃsā.

    Et je suppose que le dieu Þórr risquerait d'être dans le mauvais camp, avec tout le néo-paganisme nazi.

    Félicitations après l'élection


    Wonder Woman est élue Présidente ! Mais seulement en 2942, parce qu'il faut mille ans pour que les USA acceptent comme Chef de l'Etat une Amazone qui n'est même pas née sur le territoire. On comprend enfin qu'elle porte la culotte de Betsy Ross (couverture de 1942, qui remonte au dernier Président démocrate ayant gagné deux fois une majorité absolue, via The Beat, le comic est disponible en ligne).


    Ce qui rappelle que le Wisconsin a élu hier la première membre du Sénat qui reconnaisse publiquement son homosexualité, Tammy Baldwin.

    Hélas, la 6e circonscription du Minnesota a gardé Michele Bachmann. On entendra donc encore pour au moins deux ans toutes ses attaques paranoïaques contre les Musulmans, les Démocrates, les étrangers, les Gays ou l'ONU qui feraient passer McCarthy pour un modèle de sagacité et de prudence.

    Le discours de victoire d'Obama avait quelques bons moments. Il a rendu hommage à l'esprit de "service public" de la famille de Mitt Romney, George et Lenore, bien plus modérés que ce que leur fils était devenu pendant les Primaires. Il a fait l'éloge de la politique contre notre tendance cynique. Et il a eu raison de rappeler que quelle que soit l'importance du débat, les enjeux sont parfois très simples en politique : si les Républicains avaient gagné et si Paul Ryan était venu infliger son randisme au pays, certains enfants n'auraient plus eu droit à une couverture médicale seulement parce qu'ils étaient affligés à la fois par la pauvreté et par la maladie.

    Rien à voir mais comme je suis tombé dessus en cherchant cette couverture de WW, une autre affiche de campagne publique en faveur des bibliothèques à laquelle elle a participé :




    jeudi 25 octobre 2012

    Un Résumé de Faerie Queene (1596)


    The Faerie Queene d'Edmund Spenser (1552-1599), publié à la fin du XVIe siècle, fait partie des "Grands Illisibles" du Canon occidental, un énorme poème que seuls des érudits et les étudiants en littérature anglaise doivent encore lire en entier. Cela paraît nettement plus ennuyeux que l'Orlando Furioso (1532) de l'Arioste qu'il imite, car ce dernier a encore un peu d'humour. Non seulement le poème est long et répétitif mais l'allégorie morale et religieuse lourde (la Gentille Eglise anglicane contre les Méchants Catholiques) et son ton courtisan envers la Monarque Elizabeth Ie ne correspond plus à notre goût (je passe sur le fait que Spenser est aussi connu pour avoir préconisé sérieusement un génocide de tous les Irlandais pour purifier ethniquement cette île pour les Anglais).

    Mais ce texte a eu une telle importance dans l'imaginaire anglo-saxon et donc dans la fantasy tout court qu'on ne peut pas ne pas en tenir compte (la généalogie des Elfes au Livre II, Chant X paraît presque tirée du Silmarilion). On comprend que certains blogs de jeu de rôle s'en soient servi comme inspiration.

    Le poème (inachevé) est composé de six livres (sur XII ou XXIV prévus), trois publiés en 1590 et trois autres en 1596. Chaque Livre correspond à une Vertu morale et à de nouveaux héros pseudo-arthuriens : Piété (le Chevalier à la Croix Rouge), Tempérance (Guyon), Chasteté (Britomart), Amitié (Cambell), Justice (Arthegall) & Courtoisie (Calidor, plus un septième posthume, incomplet et plus abstrait sur le caractère inconstant du monde terrestre).

    A mon sens, les meilleurs livres sont la partie centrale (livres III-V, avec le tournoi autour de Florimell, qui relie les différents personnages) même si les amours annoncées de la guerrière Britomart et d'Arthegall le Juste ne trouvent jamais de résolution satisfaisante dans l'épopée telle qu'elle est.



    Livre I : Georges et la Vertu de Sainteté
    Le premier livre est centré sur la relation entre le Chevalier à la Croix Rouge sur Champ d'Argent (Saint Georges, la Chevalerie anglaise) et Una (la Vraie Foi, l'Eglise anglicane) - le Chevalier a une armure magique mais aussi un écuyer fidèle, un Nain. Georges ignore sa vraie identité et ne sera nommé que le Chevalier à la Croix Rouge jusqu'à la fin du livre. Né en Angleterre, il a été élevé par les Fées de la Reine Gloriana et vient accompagner Una mais un sorcier maléfique Archimago (le Pape) passe son temps à tenter de les séparer par ses illusions et métamorphoses en faisant croire à l'infidélité d'Una ou en prenant la forme de Georges. Una manque d'être violée par le perfide chevalier Sansloy mais est (ironiquement) sauvé par des Satyres, dont Satyrain, chevalier demi-satyre qui résiste à sa nature bestiale.
    Le Chevalier à la Croix est conduit à la Maison de l'Orgueil où il est tenté par la reine Lucifera et surtout par l'hypocrite Duessa (l'Eglise catholique), qui feint la Vraie Foi. Il est fait prisonnier par le Géant Orgueil (amant de Duessa) mais, grâce à son écuyer nain, il est délivré par le jeune roi Arthur (qui ignore encore ses origines). Il finit par être soigné à la Maison de la Sainteté (où la Contemplation enjoint le Chevalier à rester agir dans le monde séculier tant qu'il n'aura pas fini sa mission pour qu'un jour Albion devienne la "Nouvelle Jerusalem").
    Georges vient ensuite à la fin du Livre affronter le Dragon qui saccage le royaume du père d'Una, le Jardin d'Eden. Après un long combat où il est même tué mais ressuscité deux fois par une source magique et par l'Arbre de Vie, il finit par terrasser le Dragon. Il est fiancé à Una mais doit d'abord servir pour 6 ans la Reine des Fées Gloriana.

    Livre II : Guyon ou la Vertu de Tempérance
    Un Pèlerin vient chez Gloriana demander l'aide contre la maléfique Acrasia (Intempérance). Sire Guyon est envoyé en quête contre elle, mais il est manipulé par Archimago (qui s'est encore évadé) qui tente par ses mensonges de le détourner contre le Chevalier à la Croix Rouge.
    Guyon trouve la malheureuse Amavia qui se suicide dans ses bras : la sorcière Acrasia avait séduit l'amant d'Amavia, Mordant, et l'avait ensuite maudit et tué dès qu'il était revenu vers Amavia. Guyon confie l'enfant de deux amants défunts, Ruddymane, à Medina et doit affronter les deux frères Pyrocheles (Passion furieuse) et Chymocheles (Inconstance) et ensuite aux Enfers Mammon (Richesse).
    Archimago vole l'épée d'Arthur pour la donner aux deux frères passionnés mais avec l'aide du Pèlerin, Arthur vient sauver Guyon et récupérer ses armes magiques avec le Bouclier de Gloriana. Arthur et Guyon vont ensemble dans le Château d'Alma (l'Âme) et y visitent les différentes facultés de l'Âme, Imagination, Mémoire et Raison. Arthur et Guyon, avec l'aide du Pèlerin, doivent affronter les deux sorcières Impuissance et Impatience et divers Péchés & Monstres marins, avant d'arriver au domaine d'Acrasia qu'ils arrêtent pour ses crimes.

    Le Chant X de ce Livre II a (dans les Palais de la Mémoire d'Alma) la Chronique des Rois de Faërie avec la liste généalogique des monarques des Fées (et Victor Hugo traduit d'ailleurs ce passage en français dans son William Shakespeare) : Elfe (le premier Elfe, créé directement par le Titan Prométhée), Elfin (qui régnait sur l'Inde et l'Amérique), Elfinan (qui fonda la cité de Cléopolis), Elfiline (qui en fit la Muraille d'or), son fils Elfinell (qui vainquit les Gobelins), Elfant (qui construisit la tour de Panthée en cristal), Elfar (le tueur de Géants polycéphales), Elfinor le Magicien (qui fit le Siège de Verre et le Pont d'Airain, qui résonne comme le tonnerre), puis les 700 Princes issus d'Elfinor, Elficlée qui eut deux fils Elferon (mort prématurément) et Oberon, lequel laissa ensuite son trône par testament à Tanaquil dite "Gloriana" (ou Gloriande, la Reine Mab, Titania). Le mélange de références classiques gréco-romaines (Prométhée, Tanaquil) et d'imaginaire plus médiéval (Oberon) est intéressant.


    Livre III : Britomart ou la Vertu de Chasteté
    L'histoire se tourne vers une nouvelle héroïne, la guerrière Britomart, jeune fille en armure de chevalier (inspirée de la Bradamante de l'Arioste) et symbole de la vertu féminine. Après avoir vu le chevalier Arthegall dans un miroir magique de l'Enchanteur Merlin (qui vit captif dans une caverne avec ses serviteurs Elfes), elle est tombée follement amoureuse de lui et est partie en quête d'Arthegall avec sa nourrice Glaucè déguisée en écuyer. Elle vainc en duel Sire Guyon, puis elle sauve le Chevalier à la Croix Rouge dans le Château de la Joyeuse Garde (dont la Maîtresse tente de la séduire).
    Puis Britomart voyage dans les océans et c'est là qu'elle blesse grièvement le chevalier Marinell, fils de Cymodocé, une nymphe marine, dont on avait dit qu'il tomberait du fait d'une femme (mais on avait présumé que ce serait par passion amoureuse).

    Cette blessure de Marinell déclenche la panique de celle qui l'aime, la malheureuse fée Florimel , qui s'enfuit éperdue à cheval. Les chevaliers de la Table ronde et notamment l'écuyer du Roi Arthur, Timias, tentent de retrouver cette mystérieuse et belle fugitive. Timias rencontre alors dans sa quête les deux soeurs Belphoebe (dont il tombe amoureux) et Amoret, deux filles du Soleil élevées dans les Jardins d'Adonis, dont la première a choisi la voie de Diane la Vierge et l'autre la voie de Vénus et est éprise de Scudamore.
    Le chevalier Satyrain (le demi-satyre vu dans le Livre I) participe aussi à la recherche de la fugitive Florimell, poursuivie par des monstres d'une Sorcière, mais il ne trouve que sa Ceinture, ancienne Ceinture de Vénus (cette Ceinture deviendra le bien convoité dans le Livre IV). Il rejoint Britomart et l'inconstant Paridell, séduisant descendant de Paris de Troie.
    Ils sont hébergés chez le jaloux Malbecco et Paridell séduit l'épouse de Malbecco, la volage Hellenore, avant de l'abandonner dans le bois des Satyres. Malbecco engage alors comme mercenaire le brutal Braggadochio pour récupérer son épouse mais cette dernière, décidément insatiable, part avec les Satyres pendant que Braggadochio vole l'argent du riche cocu. Malbecco devient le Démon de la Jalousie.
    La vierge Britomart part ensuite aider Scudamore (fiancé d'Amoret). Elle affronte les tentations de Cupidon et délivre Amoret de celui qui l'avait enlevée.




    Livre IV Cambell et Triamond, ou la Vertu de l'Amitié
    Duessa (l'hypocrite du Livre I) et Atè (l'Erreur) font croire à Scudamore (fiancé d'Amoret) que c'est Britomart (qu'on prend pour un homme) qui aurait enlevé Amoret. L'infidèle Paridell, le chaste Satyrain et d'autres chevaliers se battent pour celle qu'ils croient être la Dame Florimell (et qui n'est en réalité qu'un double magique façonné par la Sorcière qui voulait la tuer).
    Ils rencontrent Cambell et Triamond, les amis parfaits et on revient sur leur histoire. Cambell avait promis la main de sa soeur Canacé à celui qui pourrait le vaincre et il tua ainsi les deux frères de Triamond, Priamond et Dyamond, dont les âmes passèrent alors successivement dans le corps de leur dernier frère, Triamond.  Cambell avait un Anneau de régénération et Triamond disposait ainsi de deux "Vies" supplémentaires par les âmes de ses frères défunts. Leur combat fut donc interminable jusqu'à ce que leurs soeurs les réconcilient et qu'ils deviennent beaux-frères. Les deux amis participent ensuite au Grand Tournoi organisé par Satyrain pour avoir la Ceinture de Florimell, et chaque ami tente de se sacrifier pour l'autre.
    Arthegall (déguisé sous l'armure du "Chevalier Sauvage") vient participer au Tournoi et est battu par Britomart, qui n'a pas reconnu celui qu'elle recherchait. A la fin du Tournoi, Britomart est la gagnante mais elle refuse la Fausse Florimell, qui choisit d'aller avec le vil Braggadochio. Amoret est à nouveau enlevée par un homme des bois. Arthegall et Scudamore attaquent Britomart mais découvrent enfin qu'elle est une femme. Arthegall tombe amoureux de Britomart mais celle-ci n'ose pas lui avouer ses sentiments.
    Pendant ce temps, dans les Bois, le Roi Arthur délivre Amoret et Belphoebe (soeur d'Amoret), suite à un quiproquo, se croit trahie par l'écuyer Timias.
    Dans les Océans, Marinell, le Chevalier des Mers (qui avait été blessé par Britomart dans le Livre III), obtient de sa mère la nymphe Cymodocé et de Neptune qu'ils fassent libérer la vraie Florimell (qui était séquestrée par le Vieux de la Mer, Protée).


    Livre V Arthegall ou la Vertu de Justice
    Arthegall a été élevé par la déesse de la Justice Astrae et elle lui a offert Chrysaor, une épée qui tranche tout, les armes d'Achille et un écuyer au corps de fer nommé Talus. Il était en quête pour la Reine Gloriana pour aider Irène (la Paix) contre Grantorto. Il affronte diverses épreuves pour montrer ce qu'est la Justice, dont plusieurs Jugements de Salomon. Il lutte contre un Géant qui prétend imposer une égalité stricte à la place de l'équité. Pendant les noces de Marinell et Florimell, Braggadochio vient avec le simulacre magique, la Fausse Florimell, mais celle-ci disparaît devant l'original.
    Arthegall est vaincu par Radigonde, une Reine Amazone en guerre contre les hommes, et elle le contraint à porter une robe et à tisser à ses pieds (comme Hercule chez Omphale). Britomart, prévenue par Talus l'Homme de Fer, part pour le délivrer et au Temple d'Isis, elle reçoit la prédiction qu'elle aura un jour un fils d'Arthegall qui les dépassera en vaillance (la prédiction ne sera jamais réalisée dans le poème). La guerrière vainc Radigonde et devient Reine des Amazones, dont elle supprime les anciennes lois pour restaurer les droits des hommes.

    La suite redevient une allégorie politique transparente sur l'actualité des années 1590. Arthegall et le Roi Arthur capturent l'hypocrite Duessa (l'Eglise catholique) et ils la jugent pour ses crimes, malgré les hésitations de la Mercilla (la Compassion). Ils doivent ensuite défendre les enfants de Belgè (les Pays-Bas) contre le monstrueux Geryoneo (l'Espagne). Arthegall part ensuite lutter contre le Géant Grantorto (la Sédition des Guerres de religion) qui a séduit Floeurdelis (la France). Bourbon (Henri IV), l'ancien ami de Floeurdelis, a trahi la Vraie Foi (le Protestantisme) pour lui plaire. Après avoir vaincu Grantorto, Arthegall retourne avec Talos vers Faërie.

    Livre VI Calidor ou la Vertu de Courtoisie
    Au retour d'Arthegall en Faërie, Sire Calidor, le plus courtois des Chevaliers, part à son tour en quête contre un monstre rencontré par le Chevalier de Justice, la "Bête Braillarde" (Blatant Beast) aux Mille Langues, symbole de la Calomnie. Les allégories sur la rumeur et la renommée tournent autour de la pudeur et de la réputation des femmes par des historiettes pastorales ainsi que cette vertu de "courtoisie". Je ne sais si c'est la lassitude de la fin de l'épopée mais cela me paraît être le Livre le plus ennuyeux de tout le poème.

    Le prétendu "livre VII" laissé à l'état d'ébauche incomplète porte sur la Mutabilité, personnification du changement, et on ne voit absolument pas le rapport entre cette allégorie métaphysique ou cosmologique avec les six livres précédents sur les vertus morales. La Mutabilité vient demander aux Dieux (et notamment à Diane Déesse de la Lune) à régner sur la Nature et la Nature (Isis Voilée) donne le verdict que c'est plutôt tout l'univers qui règne sur la Mutabilité puisque tout change mais que le changement a pour fin l'accomplissement vers un état permanent. Cette conclusion aristotélicienne annonçait peut-être un autre développement plus théologique ?

    lundi 22 octobre 2012

    [JDR] Archworld (1977)

    Source de l'image : Tome of Treasures

    Chivalry & Sorcery a eu plusieurs cadres de campagne que j'ai déjà évoqués, dont le monde fictif d'Archaeron (supplément Arden) pseudo-médiéval, créé par Ed Simbalist. Mais pendant l'année même de préparation de C&S en 1977, l'illustrateur du jeu Mike Gilbert (1947-2000) publia (avec sa compagne Sheila Gilbert) son propre univers de campagne, Archworld, avec des règles de combats terrestres et maritimes. Cet univers n'était pas utilisé pour le jeu de rôle mais pour des campagnes de wargames avec figurines (tout comme C&S prévoyait d'ailleurs de maintenir les deux types de jeu en parallèle). Le livre passe donc presque tout son temps à décrire les peintures des drapeaux ou l'organisation des bataillons et pas les sociétés ou l'histoire. Il n'y aurait sans doute pas assez d'informations pour y faire un jeu de rôle mais cela reste quand même un des premiers univers fantastiques de jeu publiés après Glorantha, Tékumel ou Magira/Midgard (qui commencèrent tous pour des wargames ou des jeux de gestion de royaumes).

    Archworld n'est pas très "médiéval". Même s'il y a les habituelles influences tolkieniennes, des Nains (les Terakyn), des Elfes (les Wodkyn), des Gobelins (les Ashkara), des Trolls (les Undra) avec en plus des Centaures (qu'on voit en armure médiévale sur la couverture face à un Terakyn), le modèle semble souvent aussi s'inspirer partiellement des figurines de Tékumel de MAR Barker, avec un mélange d'art d'Amérique pré-colombienne pour les divinités et de technologies militaires européennes du XVIe-XVIIe siècle (poudre à canon, armures de plaques des Guerres d'Italie jusqu'à la Guerre Civile britannique). Gilbert aimait tant ce concept qu'il réalisa la même année le wargame Down Styphon! sur les romans de H. Beam Piper sur Lord Kalvan, qui opèrent le même mélange de fantasy et d'armées du XVIIe siècle.



    On est censé être sur une Terre parallèle mais Archworld a eu de très nombreuses Lunes et même un Anneau brillant d'astéroïdes appelé "l'Arche" qui donne son nom à ce monde. Encore aujourd'hui, les cieux ont gardé 42 Lunes (7 "Grandes Lunes" et 35 "Petites Lunes") qui font le cycle du calendrier : les principales sont par exemple Oltmanus de l'Eclipse, le Spectre sauvage, Sans-Visage ou le Petit Crâne. Les seules divinités mentionnées sont "la Mère de Tout" (déesse de la fécondité et de la vie), Almack (Dieu du Changement) et le sinistre "Sans Nom".

    Le Monde de l'Arche sort d'un cataclysme où plusieurs de ses satellites sont tombés sur la planète, où des astéroïdes et des éruptions volcaniques ont détruit des continents entiers. Cela entraîna une ère glaciaire qui commence à peine à reculer dans les zones équatoriales de ce qui aurait été à peu près notre Afrique. Au nord dans les Détroits des Glaciers de Basum, des hordes de peuples inhumains surnommés l'Eternelle Tempête adorent l'Innommable et menacent de venir détruire les civilisations des zones plus hospitalières pour les sacrifier à l'Innommable. Le chef de ces hordes est Caer Carenna et il s'est allié à une confédération des Sept Sorciers Exilés de Car-Muth-Mey (Elcor, Halvar, Jasmin, Kelvar, Ormund, Naumun et Zengar).



    La grande Baie à l'ouest du continent africain (de climat méditerranéen) s'appelle le Bassin des Métaux et c'est là que se trouvent les cinq grands Etats qui ont pu développer la métallurgie, les mousquets et les bombardes : l'Empire de Palladius (le Roi Malantine Meleadar), Abayados, Emania, l'Electorat de Pedryvan et Xelha. Les autres Etats plus éloignés de cette Baie sont demeurés plus archaïques. L'Electorat de Pedryvan est sous le contrôle réel de l'Ordre religieux et militaire des Mains Argentées qui adore le cycle de l'Arche et des Petites Lunes. Les dix Monastères de l'Ordre des Mains Argentées organisent les Légions des Etoiles Filantes (les illustrations semblent en faire à peu près des Ottomans).



    Plusieurs cités-Etats ont encore gardé leur indépendance : la Cité des Tours Blanches (alliée de l'Empire Palladien et de certaines tribus de Centaures des Plaines de Cil, leurs chevaliers évoquent des Hussards Ailés polonais mais ils ont aussi surtout des hallebardes), les Principautés Atelkine (alliées de Zelha) et l'Ordre des Chevaliers de Cil (à l'est des Etats Atelkins), dirigé par le Primat Serre-d'Oiseau. L'Ordre des Etoiles, lui, a ses douzaines de châteaux plus au nord et mène une Croisade religieuse contre les Hordes de l'Eternelle Tempête et son équivalent adorant l'Innommable, l'Ordre des Sceptres du Nord. Enfin, le Sorcier Leymer est une force à lui seul, qui a organisé la résistance contre la Ligue des Sept Sorciers exilés de Car-Muth-Mey.


    Archworld montre l'esprit de ce qu'un artiste "hobbyiste" figuriniste pouvait faire dans les années 1970 en créant ses propres références fantastiques pseudo-historiques. Archworld ne me semble pas avoir eu d'influence claire sur d'autres cadres fantastiques. Les 7 Lunes et leur cycles ne sont qu'une coïncidence avec l'univers de Jorune (c'est un thème habituel de la fantasy) et j'imagine que les armures Renaissance de Palladius ne ressemblent aux armures ouvragées de Palatia (dans l'univers d'Artesia) que par une ressemble superficielle (même si l'auteur Mark Smylie est un amateur de jeu de rôle des années 1970 comme les Wilderlands of High Fantasy).

    Bien qu'Archworld n'ait rien à voir avec l'univers d'Archaeron, j'avais cru d'abord à un lien possible. Mais Archaeron est vraiment une Europe parallèle alors qu'Archworld a des influences nettement plus hétéroclites avec ses cités-Etats olmèques en armures européennes. Une adaptation à C&S demanderait donc sans doute beaucoup de travail, notamment parce que la Magie d'Archworld me paraît un peu vague : relativement faible en combat terrestre (parce que l'auteur ne voulait pas déséquilibrer la partie tactique) mais assez puissante pour les combats maritimes.

    mercredi 17 octobre 2012

    Chevalerie & Sorcellerie (2) La Magie

    Voir partie précédente, où nous avions commencé à créer un personnage pour C&S, Indis l'Elfe sylvestre.

    Les Arts Magiques
    Une des plus grandes richesses de Chivalry & Sorcery est la Magie, qui occupe 40 des 128 pages ultra-serrées. Là où la plupart des jeux ont une règle synthétique sur la Magie, C&S multiplie des systèmes assez distincts qui ont un charme séparé (notamment l'Alchimie, qui sonne plus proche des textes anciens que la plupart des autres versions ludiques que je connais). Les Arts Magiques sont divisés en 4 grands types : Magie Naturelle (Shamans, Mediums, Transe sous drogue, Incantations...), Arcanes Mineures (Alchimiste, Artificier-Orfèvre ou Armurier, Astrologue, Devins, Sorcières), Arcanes Majeures (Enchanteur, Conjurateur, Thaumaturge, Nécromancien) et Mystique (Mots, Symboles, Figures et Nombres). En théorie, on ne choisit pas son école, elle est déterminée aléatoirement à partir de sa Classe sociale : les Serfs et les Paysans libres n'ont généralement accès qu'à la Magie Naturelle alors que les Bourgeois et les fils de Nobles tendent à plus aller vers les Arcanes.

    En théorie, les Elfes des Bois de Chivalry & Sorcery sont spécialisés en Magie Naturelle Primitive (cf. p. 74). Ils enchantent un Arc elfique magique +2 qui leur sert de Focus (ils ont d'ailleurs +10% au tir à l'arc elfe). Chaque type de Magie conçoit son propre Focus, que ce soit un Bâton, une Boule de cristal, l'encre du Cabaliste ou les tarots du Cartomancien. Les Elfes des Bois connaissent instantanément certains sortilèges simples de perception (Détecter Magie, Détecter Pistes, Détecter Pièges, Détecter Portes, Sentir ce qui est caché, Détecter Observation, Trouver sa direction) et le rituel de Cercle de Protection. Ils sont décrits avant tout comme des "Forestiers" (l'équivalent dans C&S des "Rangers" de D&D). Il y a aussi une société secrète des Forestiers Libres, des Humains qui doivent défendre les forêts avec les Elfes et partager leurs pouvoirs intuitifs, mais il y a aussi une société militante dite des Grands Veneurs Royaux (symbole : un Cerf). Les Forestiers sont plus décrits dans le premier C&S Sourcebook (que je n'ai pas mais j'ai la version dans White Dwarf #9, octobre 1978, p. 20-22). Ils ont en plus des compétences semblables aux Voleurs mais dans la nature (se cacher en forêt, couvrir ses traces, escalade, pister, ouïe, sixième sens, dompter animaux, identifier plantes, chasser, pêcher).

    L'ennui est qu'avec ses caractéristiques physiques (et notamment sa Dextérité minimale de 13), Indis ne ferait pas une très bonne Guerrière-Forestière et qu'elle serait sans doute meilleure en devenant Médium, Magicienne spécialisée dans les rapports avec les esprits (voir page 75).

    De nouvelles Caractéristiques Magiques
    Chaque école de Magie a sa caractéristique associée en plus de l'Intelligence. Pour les Médiums, c'est la Sagesse. Indis a une Intelligence de 13 et une Sagesse de 15. Cela lui donne un Niveau de Concentration de 2.8 si elle devient Médium débutant. Le maximum initial aurait été de 4.0 si elle avait eu 20 et 20.

    Indis a aussi un Ascendant favorable (+0.5), est très pieuse (Alignement 3) et cela lui donne un Facteur Magique Personnel (PMF) de 3.3 (qui représente surtout son énergie pour contrôler les forces magiques). C'est relativement moyen (il faudrait des caractéristiques exceptionnelles mais on peut théoriquement dépasser un PMF de 10 dès le Niveau 1). Dans la seconde édition, ces facteurs dépendent aussi de la caractéristique nouvelle "Férocité", qui doit donc représenter aussi la force de la Volonté.

    Un défaut de ces caractéristiques dérivées compliquées est qu'elles me semblent finalement avoir la plupart du temps (sauf cas vraiment extrême) bien moins d'importance que le Niveau du Magicien (il y a XXII Niveaux, comme les 22 Lames d'Arcanes Majeures du Tarot). En ce cas, à quoi bon vouloir tant détailler les différences individuelles à partir des Caractéristiques comme c'est presque toujours le Niveau général qui fera la différence ?

    Dans la seconde édition, comme les caractéristiques sont réparties au lieu d'être tirées aux dés, il est plus possible d'optimiser un Magicien avec des caractéristiques maximales.

    Comment jeter un Sort ?
    Lancer un Sortilège coûte des Points de Fatigue et ce coût est en pourcentage du total de départ, ce qui signifie que la fatigue ne diminue pas avec les Niveaux : un Sort complètement maîtrisé et du même Niveau que le Mage coûte 10% du total de la Fatigue (5% si le Mage dispose d'un objet Focus personnel pour se concentrer). Mais un Sort non-maîtrisé ou d'un Niveau supérieur coûte 20% du total de départ.

    Dès qu'on a dépensé tous ses Points de Fatigue, la charge passe aux Points de Corps, ce qui rend la Magie vite dangereuse pour peu que le Mage soit déjà épuisé ou blessé - surtout s'il n'a plus son Focus.

    Dans C&S, il peut y avoir deux jets : un pour contrôler un Sort encore non-maîtrisé et un autre pour atteindre la cible. Chaque Sortilège qui n'a pas encore été complètement appris a une Résistance Magique de Base, qui est sa difficulté à être lancée, allant de 0 à 10. A chaque fois que le lancer de sort est une réussite, la Résistance baisse d'un point, jusqu'à 0. Mais à chaque échec, elle augmente à nouveau d'un point, jusqu'au maximum de 10, où le Sort devient trop difficile. A 0, le Sort est "maîtrisé" ou appris définitivement.

    Le problème est alors d'expliquer pourquoi chaque personnage ne passe pas tout son temps entre les scénarios à faire "tomber" tous les nouveaux Sorts à une Résistance de 0 (surtout que la chance dépend du temps qu'on met dans le rituel). La règle complexe doit donc s'appliquer seulement en temps de jeu quand on tombe sur un nouveau Sort en cours de scénario, dans un rouleau de parchemin par exemple.

    Un tableau fait correspondre le Niveau du Magicien et la Résistance : la probabilité de réussite de base est en gros (en fait, ce n'est pas si linéaire) égal à 20% + (Niveau du Mage x5) - (Résistance x5). Je me demande si Chaosium n'a pas tiré sa célèbre Table de Résistance de là ?

    La probabilité est donc ridiculement basse (un Mage Niveau 1 a une base négative, - 25% de chance de base de lancer un Sort de Résistance 10), mais on peut augmenter ses chances par divers rituels. Par exemple, (1) en dépensant des Points de Fatigue supplémentaires (+1% seulement par Point), (2) en méditant (+1% x Niveau du Mage par jour de Méditation), (3) en jeûnant (+1% x Niveau du Mage par jour de Jeûne, ce qui est fatiguant et commence même à coûter des points de vie après Quarante Jours), (4) par un objet Focus (+10%), (5) par un Livre où le Sort est inscrit (+10%). Le Focus et le Livre de Sort ne sont donc pas obligatoires en jeu mais fortement conseillés.

    Si la probabilité de base de lancer le sort était inférieur à 5% ou si la Cible avait une résistance magique particulière comme une Amulette ou un Cercle de Protection, tout échec entraîne en plus de l'accroissement de la Résistance un "Retour de Flammes" sur le lanceur (Backfire, p. 87). C'est sans doute l'une des premières tables d'échec critique de l'histoire du jeu de rôle mais elle est encore très simple :
    01-50 le Mage perd 50% du total de ses Points de Fatigue
    51-100 "Rebond" : un effet indésirable frappe le Mage (à déterminer par l'arbitre). 

    Après la réussite du lancer du Sort, la cible aussi a droit à un jet de Résistance. Ici, après le côté assez moderne des autres règles, on a un Tableau de résistance (Table des Conflits Magiques, p. 86) très peu pratique et non-systématique qui dépend de la description de chaque cible.

    Un exemple de Tradition : les Médiums

    Donc je décide (avec l'accord du MJ qui n'est autre que moi-même) qu'Indis ne va pas rester une simple Elfe Forestière et qu'elle a pu accéder à la tradition des Médiums. Contrairement à la plupart des autres Mages des Arcanes de C&S, les Médiums n'ont pas besoin d'entrer dans une Société secrète, un "Ordre" ou une "Loge". Ils sont formés directement par un Esprit défunt d'un autre Mage, un Esprit appelé le "Guide".

    Pour contacter des Esprits, le Médium doit choisir la durée de la Transe, qui est de plus en plus difficile, de plus en plus fatigante et qui a de plus en plus de chances de conduire à une Possession après la période critique dite "de danger". La Possession peut être temporaire mais il y a 5% de chances par tour que cela conduise à la Folie. En cas de Possession, il faut ensuite un exorcisme pour libérer le Médium (mais l'Esprit peut aussi s'y opposer).

    Le Guide peut l'aider à contacter d'autres Esprits et il peut ainsi leur poser des questions et même apprendre des capacités ou des Sortilèges de ces Esprits, ce qui ferait donc du Médium la plus polyvalente de toutes les Classes de Personnage. En théorie, rien ne lui interdirait d'apprendre n'importe quelle autre technique d'autres Arts (du moins tant que cela ne contredirait pas son Alignement, pas de Nécromancie et Magie Noire).  

    Le Médium peut de plus enchanter une Boule de Cristal où il peut placer 3 Sorts + 1 Sort supplémentaire tous les 4 Niveaux. Indis s'en servira comme Focus à la place de l'Arc habituel des Elfes, même si c'est moins facile à transporter.

    Tirons les caractéristiques de l'Esprit-Guide d'Indis : Nicéphore était un humain mâle, noble (fils d'un Comte) et spécialisé dans une des Arcanes mineures : la Divination (Tarot). Il était né sous de Mauvaises Augures sous le Signe de la Vierge (un bon signe pour un Sorcier). Son facteur d'expérience est égal à 1d20 x 20 : 240, soit un Mage de Niveau XIII Adeptus Exemptus, PMF 28. D'après le Tableau de la page 66, cela signifie que ce Personnage-Joueur peut avoir retenu des Sortilèges jusqu'au Niveau VIII de Sort (mais j'ai la flemme de faire la liste). D'après la page 81, ce Devin a 79% de chances d'être correct dans ses prédictions les plus simples. Indis va donc pouvoir sans doute développer surtout des Sorts de Détection/Prémonition pour sa Boule de Cristal et apprendre à enchanter un jeu de Tarots. Si jamais elle dépassait un jour le Niveau XIII, elle devra sans doute chercher un nouveau Maître spirituel.

    En revanche, Nicéphore est nettement plus ambigu moralement que l'austère Indis avec un Alignement de 14 (Nature neutre mais facilement corruptible). Le risque de Possession, voire de Folie, pourrait donc poser quelques problèmes si le Devin Nicéphore décidait de ne pas quitter le corps d'Indis après la période critique de la Transe médiumnique. Mais cela peut rendre leurs relations aussi plus intéressantes à jouer. Les règles de cette première édition de 1977 conseillent même que ce soit un des autres joueurs qui prennent le rôle de l'Esprit-Guide et développe son histoire passée, les circonstances de sa mort et sa personnalité (ce qui rappelle la règle sur l'Ombre dans Wraith).

    En fait, Nicéphore "le Bateleur" était membre de la Société Mantique de l'Empire byzantin et servait l'Impératrice Irène d'Athènes (au VIIIe siècle). Il fut dénoncé par un de ses disciples, Agénor, et se vit voler son jeu de Tarots (un des plus anciens, qui servait d'archétype pour la Société Mantique). Il fut tué et finit au Purgatoire. Cela explique son ton méfiant maintenant qu'il a pris une nouvelle apprentie elfe pour retrouver son jeu où il espère se réincarner.

    Toutes les illustrations ci-dessus (la Page, Prospero invoquant Ariel et la fée Viviane) sont d'Eleanor Fortescue (1879-1945).